Le 24 mai dernier, Iris, militante du mouvement Extinction Rébellion, participe à une action aux côtés de plusieurs ONG et collectifs pour dénoncer « les actions climaticides » du géant TotalEnergies.
Arrêtée avec d’autres militantes, elle est placée en garde à vue au commissariat du 13ème arrondissement de Paris. La mention « rébellion » inscrite sur sa fiche d’arrestation sous-entend qu’elle s’est débattue - ce qu'elle nie - et qu’elle va devoir passer un examen médical pour identifier d’éventuelles blessures.
« J’ai dit que je refusais de voir un médecin, mais on m’a répondu que je n’avais pas le choix », raconte la trentenaire à 20 minutes.
Une pratique non-conforme à la loi, selon son avocat, Alexis Baudelin, habitué à ce genre d’affaires. « Il est absolument interdit de forcer un gardé à vue à voir un médecin s’il n’en fait pas la demande ou refuse lorsqu’on le lui propose », précise-t-il. Pour lui, le terme de « rébellion » inscrit sur la fiche n’y change absolument rien. « Ça, c’est pour protéger les officiers en cas d’interpellation musclée ».
Ce que confirme le Service d’information et de communication de la police nationale (Sicop) : « Si l’officier de police judiciaire estime qu’il y a des risques de blessures, il peut décider d’envoyer d’office le gardé à vue voir un médecin. Mais la personne peut toujours refuser ».
« Ben quoi, vous n’êtes pas à l’aise ? »
Emmenée en salle d’examen, Iris découvre que la porte est vitrée, ce qui la rend visible des policiers qui occupent la salle de contrôle située derrière.
Le médecin légiste réquisitionné commence à lui poser des questions d’usage, puis lui ordonne de se déshabiller, pour vérifier d’éventuelles contusions. « Naïvement, j’ai cru qu’il me demandait simplement de me mettre en soutien-gorge et culotte », raconte la jeune femme à 20 minutes.
Pas vraiment, puisqu'il insiste pour qu'elle se déshabille intégralement, sous-vêtements compris. Face à cette figure d’autorité, Iris cède, mais décide de garder sa culotte, malgré l'insistance du médecin.
« Je me cachais, j’étais toute courbée, toute repliée sur moi-même, raconte-t-elle avec difficulté. J’avais peur et j’avais froid ». Un état apparemment remarqué par le praticien, qui finit par lui lancer « Ben quoi, vous n’êtes pas à l’aise ? ».
Une pratique humiliante et non-conforme aux prérogatives d'un médecin légiste dans ce genre d'affaires. « Il est là uniquement dans l’intêret du gardé à vue. Et à aucun moment, il n’a à lui demander de se mettre nu », réagit une source policière, contactée par 20 minutes.
La mise à nu est plutôt d’usage lors des fouilles intégrales réalisées dans les affaires de trafic de drogue, mais dans le contexte d’Iris, « ça n’a absolument pas lieu d’être ».
Un paquet de thunes
L’examen médical terminé, Iris est invitée à se rhabiller sous le discours « paternaliste » du médecin qui vient de l’examiner.
À la sortie de sa garde à vue, levée dans la foulée, elle recroise le praticien, alors qu'elle est en présence de proches venus la chercher.
« Quelques minutes après moi, le médecin est sorti lui aussi, et il s’est dirigé vers nous, se souvient-elle. Il était tout souriant. Il nous a dit qu’il fallait qu’on fasse ça plus souvent le vendredi, parce que grâce à nous, il s’était fait un paquet de thunes ».
Et pour cause, à 57,70 euros l’acte pour quelques minutes d’examen, contre 26,50 pour une consultation de médecine générale... le revenu peut vite monter si l’on enchaîne les gardes à vue.
Le médecin parti, Iris commence à questionner timidement les autres jeunes femmes qui se trouvaient avec elle en cellule. « Je leur ai demandé si à elles aussi, le médecin leur avait ordonné de se déshabiller intégralement. Elles m’ont répondu que non et semblaient surprises par ma question », explique la jeune femme qui dit s’être sentie « dégueulasse » et « en colère » contre elle-même.
Contactés par 20 Minutes, la préfecture de police de Paris ainsi que le parquet de Paris ont affirmé qu’il ne leur était pas possible de retrouver l’identité du médecin.
Quant à l’Unité médico-judiciaire (UMJ) de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, dont dépendent généralement les médecins légistes envoyés dans les commissariats parisiens, elle assure que ces derniers « n’interviennent pas en antenne mobile au sein du commissariat du 13ème arrondissement ».
Malgré de nombreuses relances du quotidien, ni la préfecture de police de Paris, ni le Sicop n’ont livré d’informations claires sur l’identité du médecin ayant intervenu auprès d’Iris le 24 mai.
La jeune femme a de son côté fait une demande de copie de son dossier auprès du procureur de la République pour tenter d’obtenir le nom du médecin qui l’a reçue. Elle a également fait une saisine en ligne auprès de l’IGPN.