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Phuoc-Vinh Tran, aujourd'hui âgé de 74 ans, aura plusieurs mois d'audience pour expliquer ses pratiques à la justice, lui qui a toujours nié les faits au fil d'une instruction de plus d'une décennie.
C'est une première plainte, déposée en 2013, qui lance la procédure et lève le voile sur des années de pratiques suspicieuses menées par le spécialiste dans la petite ville de Domont, située à une quarantaine de kilomètres au nord de Paris.
Lors de sa première et unique consultation auprès du Dr Phuoc-Vinh Tran, la patiente de 52 ans réalise que l'auscultation du praticien n'est pas habituelle mais elle reste « figée », « tétanisée ».
L'ensemble de la patientèle du gynécologue est alors contacté par les enquêteurs et plus de 130 femmes vont déposer plainte, livrant des témoignages similaires.
Pour le Dr Tran, cette similitude est signe d'un « complot » ourdi contre lui à la suite de la médiatisation du dossier, une théorie battue en brèche par la juge d'instruction.
133 plaignantes, âgées de 18 à 52 ans
« La médiatisation de l'affaire n'a eu pour conséquence que de constituer un élément déclencheur dans leur prise de parole », les femmes n'osant auparavant pas déposer plainte « par honte ou par crainte de ne pas être prises au sérieux », signale-t-elle dans l'ordonnance de mise en accusation dont l'AFP a eu connaissance.
Unique lien entre ces dizaines de femmes, âgées de 18 à 52 ans au moment des faits : avoir un jour consulté ce gynécologue.
Aux enquêteurs, celui-ci avait déclaré « exercer la gynécologie avec douceur » ou selon « une méthode asiatique ».
La juge d'instruction soutient que le « caractère sexuel des touchers vaginaux (est) en contradiction avec un acte strictement médical ».
Au fil des rendez-vous, sur plus de dix ans, Phuoc-Vinh Tran a notamment pu « caresser (les patientes) au niveau des cuisses, du bas ventre ou encore du clitoris, leur demander de contracter leur vagin autour de ses doigts » et « les questionner sur leurs plaisirs sexuels », selon l'ordonnance datée du 3 mars.
Le document, de 116 pages, compile les courts témoignages des 133 plaignantes. Allongées sur la table d’auscultation, elles comprennent toutes que le temps d'examen et les gestes pratiqués dépassent incontestablement le cadre médical.
« Chacune d'entre elles décrit dans leur plainte un état de choc, de stupéfaction et de sidération », peut-on lire dans le document.
Des victimes « oubliées par la justice »
Faisant état du « caractère sériel » des actes reprochés, l'ordonnance rappelle par ailleurs qu'avant le début de la procédure judiciaire, plusieurs médecins généralistes de la région de Domont avaient été informés du malaise que certaines de leurs patientes éprouvaient vis-à-vis du gynécologue.
Après requalification de certains viols en agressions sexuelles, certaines dépassant alors le délai de prescription, l'ancien médecin aura à répondre devant la justice de 92 cas de viols et 25 cas d'agressions sexuelles sur 112 patientes.
Que l'ordonnance de mise en accusation ait été rendue « est une grande satisfaction pour toute ces victimes », selon Me Frédéric Aguillon, avocat de deux anciennes patientes du gynécologue. « Il va devoir enfin s'expliquer sur ces pratiques qui n'avaient rien de médical », a-t-il ajouté.
Me Franck Levy, conseil d'une quarantaine de plaignantes, signale qu'« elles ne comprennent toujours pas la durée de l'instruction et s'estiment avoir été oubliées par la justice. Elles espèrent désormais que le procès aura lieu très rapidement afin que la justice les reconnaisse comme victimes du Dr Tran et que celui-ci soit condamné à la hauteur des actes qu'il a commis ».
Me Caty Richard se « félicite que le juge ait renvoyé le médecin devant la cour criminelle mais (va) continuer de se battre contre un non-lieu partiel » rendu pour l'une des deux plaignantes qu'elle représente.
Quant à Me Jean Chevais, avocat de Phuoc-Vinh Tran, il n'a pas répondu mardi aux sollicitations de l'AFP.
Avec AFP
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