La mairie de Paris vote à l'unanimité pour l'arrêt des consultations du Dr Émile Daraï, gynécologue à l'hôpital Tenon, mis en examen 32 fois pour violences volontaires

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Émile Daraï est un ancien chef de service de gynécologie-obstétrique, à l’hôpital Tenon, dans le 20e arrondissement de la capitale. Après 32 mises en examen, il continue les consultations bien qu'il ne soit plus chef de service. Une situation insupportable pour les associations de défense contre les violences gynécologiques, mais aussi pour la mairie de Paris. 

La mairie de Paris vote à l'unanimité pour l'arrêt des consultations du Dr Émile Daraï, gynécologue à l'hôpital Tenon, mis en examen 32 fois pour violences volontaires

© Midjourney x What's up doc

Émile Daraï est spécialiste de l’endométriose, ancien chef de service de gynécologie-obstétrique et de médecine de la reproduction à l’hôpital Tenon. Le 28 septembre 2021, après une première plainte, le parquet de Paris avait ouvert une enquête préliminaire pour viol par personne ayant autorité sur mineur de plus de 15 ans. Par la suite, l’enquête a été élargie pour viol en réunion.

En 2022, le nombre de plaignantes monte à 32. La plupart parlent d’examens brutaux et sans demander le consentement. Une information judiciaire avait été finalement ouverte pour violences par personne chargée d'une mission de service public à l’égard des 32 victimes présumées. Signe qui témoigne de la difficulté à qualifier des faits qui associent un acte de pénétration et un accord présumé entre médecin et patiente.

Emile Daraï n’est plus chef de service à l’hôpital Tenon mais continue d’y exercer

En décembre 2021, le rapport de l'enquête interne déclenchée par l'AP-HP et la Sorbonne Université avait conclu que « l'obligation d'information de ces patientes, le soulagement de leur douleur, le respect de leurs volontés n'(avaient) pas été respectés ».

Ce document ajoutait toutefois que « la commission (d'enquête) ne retient aucune connotation sexuelle alors que certains manquements ont été relevés dans le recueil du consentement à certains gestes ». Ainsi, le médecin est autorisé à continuer les consultations, sous le contrôle du juge d’instruction.

La commission avait estimé en outre que la situation était « le fruit de dysfonctionnements individuels mais aussi collectifs et systémiques ».

Dans la foulée de l'affaire Daraï, les sociétés savantes de gynécologies ont édicté une « charte de la consultation », qui rappelle notamment que « l'accord oral de la femme est recueilli avant tout examen clinique » et que l'acte « doit pouvoir être interrompu dès que la patiente en manifeste la volonté ».

La polémique autour du gynécologue a resurgit lors des Césars 2024

Le documentaire Notre corps de Claire Simon a créé une vive controverse en raison de la présence d’Émile Daraï. Bien qu’il n'ait pas été nommé dans le film, il apparaît dans deux scènes où il dirige une opération et une réunion médicale, ce qui a choqué le collectif Stop aux violences obstétricales et gynécologiques (Stop VOG). Les militantes y ont vu une tentative de « réhabiliter » ce médecin en le présentant comme un expert respecté, sans mentionner les accusations portées contre lui.

Cette polémique s’est intensifiée après les déclarations de Claire Simon, qui l'a qualifié de « génie » et de « professeur Tournesol », des termes qui ont été perçus comme minimisant la gravité des accusations. Pour les membres de Stop VOG, comme Caroline Sahuquet et Sonia Bisch, c’est comme si le film passait sous silence les souffrances des victimes, sans véritablement remettre en question le rôle du Dr Daraï. Elles ont exprimé leur colère face à ce manque de contexte, soulignant l'importance de donner de la voix aux femmes qui portent plainte.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/le-gynecologue-de-tenon-emile-darai-est-autorise-reprendre-ses-consultations-privees

De son côté, Kristina Larsen, la productrice du film, défend l’intention artistique derrière Notre corps, précisant que le documentaire ne traite pas des violences gynécologiques mais se concentre sur le corps féminin et sa représentation. Elle explique que le film a respecté un accord contractuel avec l’hôpital, qui exigeait l’anonymisation des médecins et des patientes. Toutefois, malgré ces justifications, la question du silence autour des accusations à l’encontre d’Émile Daraï et de l'absence de reconnaissance des victimes reste un sujet de tension majeur.

La Ville de Paris a voté à trois reprises pour l'arrêt des consultations d’Émile Daraï, sans succès

Le 18 décembre, Emmanuelle Rivier, conseillère municipale du 20e arrondissement, a présenté pour la troisième fois un vœu en conseil d’arrondissement et au Conseil de Paris demandant la suspension d’Émile Daraï.

Elle a souligné que malgré les 36 plaintes déposées, les 32 mises en examen et de nombreux témoignages de violences dans le service de ce médecin, aucune réponse n’avait été apportée par les autorités compétentes. Le vœu vise à suspendre Émile Daraï de toute consultation à l’hôpital Tenon pendant l’enquête, afin de protéger les patientes et d’éviter d’autres violences.

Ce vœu a été adopté à l’unanimité des élus parisiens. L’AP-HP justifie cette situation en se conformant aux conditions imposées par la justice, soulignant que seule cette dernière connaît tous les éléments de l’affaire. En revanche, la municipalité, par la voix d’Anne-Claire Boux, adjointe à la maire de Paris en charge des questions relatives à la santé publique et aux relations avec l’AP-HPa réaffirmé son soutien aux victimes présumées et aux démarches de la Ville pour les soutenir. 

En parallèle, une pétition en ligne lancée par le collectif Stop aux Violences Obstétricales et Gynécologiques a recueilli plus de 28 000 signatures pour demander la suspension du gynécologue.

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