HP de Moisselles (95): droit de retrait général suite à une agression

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Suite à une agression de personnel soignant le 14 novembre dernier à l’hôpital psychiatrique de Moisselles (95), l’équipe du secteur de psychiatrie d’Asnières-sur-Seine a déposé un droit de retrait au CHSCT car elle estime que la sécurité des patients et des soignants n’est plus assurée. L’équipe est décidée à « ne plus accepter d’être responsable de l’irresponsabilité de la politique de destruction en cours de la psychiatrie et de la santé ». Extraits de leur explosive lettre ouverte.  

HP de Moisselles (95): droit de retrait général suite à une agression

C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ce jeudi 14 novembre, un visiteur proche d’une personne hospitalisée pénètre dans un bureau infirmier, dans le secteur de psychiatrie d’Asnières-sur-Seine de l’hôpital psychiatrique de Moisselles. Puis il « agresse sans raison apparente l’un des professionnels présents », raconte dans une lettre ouverte l’équipe du secteur de psychiatrie d’Asnières-sur-Seine (l’un des cinq secteurs de l’établissement) qui ajoute qu’il s’en est fallu de très peu « pour que l’irréparable ne soit commis ».
 
En quelques secondes, la violence verbale dérape en violence physique. Un infirmier tente sans succès de prendre la défense de son collègue en s’interposant. Et le sang finit par couler… Il aura fallu attendre l’aide de patients de l’unité alertés par les cris pour séparer l’agresseur de sa victime. Car les deux autres soignantes « étaient à l’autre bout du service, dans une chambre en train de gérer la crise convulsive d’une autre patiente », relate la lettre ouverte qui poursuit : « Après avoir encaissé la folie et l’absurdité du système voilà qu’il nous faut encaisser les coups, l’étranglement, la violence d’une personne en visite mécontente d’on ne sait quoi », enragent les auteurs du courrier qui font le parallèle avec les agressions survenues en début d’année de l'hôpital Saint-Antoine (AP-HP). Des agressions qui furent directement à l’origine de la grève du service d'accueil et de traitement des urgences (SAU) de l’hôpital en mars dernier, et donc du mouvement de grève national.

Ne plus travailler dans des conditions dégradées 

Les situations sont en effet similaires. Agressions en hausse, dégradation des conditions de travail, manque de personnel, salaires ridicules des paramédicaux, activité qui augmente d’année en année depuis déjà trop longtemps… « En psychiatrie, les discours officiels nous abreuvent de la nécessité de nous « réorganiser » à défaut d’investir dans des postes, dans des moyens supplémentaires et dans des dispositifs en nombre suffisant », fustige l’équipe du secteur de psychiatrie d’Asnières sur Seine.
 
Et d’ajouter que les professionnels de santé de l’hôpital psychiatrique de Moisselles « ne veulent plus travailler dans des conditions dégradées » car ils sont « contraints d’abandonner ce qui fait le vif même du travail psychiatrique : créer une relation là où la pathologie détricote le lien social de la personne avec sa famille, ses amis, ses proches, ses collègues, son milieu de vie»
 
Suite à l’agression du 14 novembre, l’équipe de l’unité d’hospitalisation du secteur de psychiatrie d’Asnières-sur-Seine a donc déposé un droit d’alerte et un droit de retrait au CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), car ses membres estiment que la sécurité des patients et des soignants n’est plus assurée.

Faire toujours plus avec toujours moins

L’équipe du secteur de psychiatrie d’Asnières-sur-Seine évoque également dans sa lettre ouverte « le danger qui pèse sur les soignants de faire toujours plus avec toujours moins », si bien qu’ils doivent « rogner en permanence sur les exigences minimales de soins » : avoir le temps de parler, soutenir les activités thérapeutiques, le lien avec la cité au travers des accompagnements, les visites à domicile, trouver des débouchés cohérents pour les personnes hospitalisées…
 
Des exigences minimales qui devraient être aussi de « ne pas se contenter des seuls médicaments, de solutions de court terme sur le mode du « reculer pour mieux sauter » ; de ne pas se contenter de l’enfermement d’un côté, de l’abandon de l’autre ». Mais le manque de temps, de personnel et de moyens fait que ces professionnels de santé doivent « faire de la moins bonne psychiatrie voire de la mauvaise psychiatrie », poursuit le courrier.
 
Conséquences : l’ambiance à l’hôpital est « délétère » depuis plusieurs mois. Si bien que médecins et les personnels de l’hôpital ont suspendu leur participation à toutes les instances de l’établissement « pour prendre acte de la vacuité de toutes ces réunions, de l’absence d’écoute et de dialogue réel ».

Hémorragie des paramédicaux et des médecins

Par ailleurs, malgré les efforts de l’équipe pour « accélérer les embauches avec une politiques plus attractive de recrutement », l’hémorragie des paramédicaux se poursuit tandis celle des médecins ne fait que commencer…. En effet, l’ensemble de l’équipe médicale d’un secteur va partir d’ici juillet (sur les cinq secteurs adultes de l’établissement) « aggravant encore plus le manque de disponibilité des autres médecins (plus de gardes, plus de permanences, plus d’astreintes, plus de saturation des lits à l’hôpital etc.). », précise le courrier.
 
C’est la raison pour laquelle l’équipe du secteur de psychiatrie d’Asnières-sur-Seine a pris la décision suivante : « ne plus prendre sur nous cette pénurie », « ne plus accepter d’être responsable de l’irresponsabilité de la politique de destruction en cours de la psychiatrie et de la santé », afin de « mettre un point d’arrêt à ce processus ».
 
Et les auteurs de la lettre ouverte de fustiger « la perte de contact avec la réalité quotidienne » des tutelles, leur « passion pour les chiffres qui confine au délire, incurable celui-là », la « logique infernale » à laquelle ils sont confrontés.
 
Une logique infernale que refuse l’équipe du secteur de psychiatrie d’Asnières-sur-Seine qui écrit noir sur blanc qu’elle « ne pourra pas continuer comme cela ».
 
Et de conclure dans un sursaut de révolte, comme si on venait d’annoncer à l’équipe au grand complet qu’elle allait bientôt mourir : « Nous ne nous laisserons pas crever. Nous ne nous laisserons pas crever sans que soit dénoncée la réalité concrète des politiques en cours. Nous ne nous laisserons pas crever sans lutter localement, collectivement, décemment. »
 

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