Hôpital : après trois années de convulsions, l'exécutif cherche encore le remède

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De la longue grève des urgences à la dernière polémique sur les lits fermés, l'hôpital public vit depuis trois ans en état de crise permanente que même les milliards d'euros du « Ségur de la santé » ne parviennent pas à apaiser.

Hôpital : après trois années de convulsions, l'exécutif cherche encore le remède

Le malade ne répond pas au traitement. Au contraire, il montre des signes d'aggravation : « un grand nombre d'emplois vacants » et « un pourcentage important de lits fermés » évalué à « environ 20% », soulignait le Conseil scientifique dans un avis rendu au gouvernement début octobre.

Un diagnostic mis en doute par le ministre de la Santé Olivier Véran qui conteste « un chiffre erroné ».

« Au total, 6 % des lits sont fermés » et « le phénomène affecte surtout l'Île-de-France, le Grand Est, la Bourgogne-Franche Comté et les Pays de la Loire », indique de son côté au JDD le président de la Fédération hospitalière de France (FHF) Frédéric Valletoux, révélant les résultats d'une étude menée par son organisation.

Le ministre a lui-même commandé une étude « la plus exhaustive possible » sur le sujet. Selon son cabinet, il sera encore trop tôt pour qu'il puisse en annoncer les résultats mardi, lors de sa visite au salon annuel de la Fédération hospitalière de France (FHF). Mais tout indique que « la situation est tendue » et que cela va « durer dans les prochaines semaines ».

L'exécutif y voit une décompensation post-Covid: après 20 mois de crise sanitaire, « les personnels de santé sont fatigués, il y a des démissions, des absences (...) qui aboutissent à des tensions et à des fermetures de certains lits », résume Jean Castex.

Mais les symptômes étaient perceptibles avant, au moins depuis la grève des urgences du printemps 2019 qui avait duré tout l'été et s'était ensuite étendue à tout l'hôpital. Trois plans successifs, à chaque fois plus généreux, n'avaient déjà pas suffi à faire retomber la fièvre, jusqu'à ce que l'épidémie bouleverse les priorités.

Le « Ségur de la santé », négocié au forceps après le premier confinement, devait éviter une rechute grâce à l'injection massive de fonds publics: 10 milliards d'euros de hausses de salaires pérennes et 19 milliards d'investissements étalés sur plusieurs années.

« Un effort inédit », vante encore le Premier ministre, même si ces sommes sont « pour partie un rattrapage » après une décennie de rabot budgétaire.

« Les postes sont ouverts mais ils ne sont pas pourvus »

Sauf que pour certains soignants, le compte n'y est toujours pas. « Ça ne rattrape pas notre perte de pouvoir d'achat », affirme Olivier Cammas, de la CGT des Hôpitaux de Paris (AP-HP), estimant qu'avec le gel du point d'indice les agents hospitaliers ont « perdu 20% de traitement en 15 ans ».

L'ouverture des vannes a par ailleurs réveillé une multitude de revendications catégorielles qui portent autant sur les rémunérations que sur les statuts, diplômes et compétences : sages-femmes, infirmiers anesthésistes, manipulateurs radio, techniciens de laboratoire... Autant de plaies jamais soignées qui accentuent le découragement des soignants.

La vaccination obligatoire contre le Covid-19, entrée en vigueur mi-septembre, complique un peu plus la donne. « On a tout de suite vu les effets, avec des fuites de personnel, mais aussi des mises en disponibilité et des arrêts de travail », ajoute M. Cammas. Sans compter les milliers de salariés suspendus, sans rémunération, dont l'hôpital « se passe alors qu'on manque d'effectifs ».

Et pourtant « les budgets sont là, les postes sont ouverts mais ils ne sont pas pourvus », constate M. Castex. « Il n'y a pas de solution magique », concède l'entourage de M. Véran qui a reçu cette semaine les dirigeants d'établissements pour étudier les pistes permettant de « passer cette période difficile ».

Le ministère compte notamment ramener dans le giron de l'hôpital les soignants partis exercer dans les centres de vaccination qui tournent au ralenti depuis la rentrée. Les tarifs de leurs vacations vont ainsi « baisser sensiblement » à partir de lundi.

Personne ne se fait toutefois d'illusion. « Le problème est plus profond que la question des rémunérations, c'est un problème de sens », observe Frédéric Valletoux. Dans des métiers à la « pénibilité réelle », les soignants sont piégés dans un cercle vicieux où « les recrutements s'allongent et le travail pèse sur ceux qui restent ».

« La seule réponse à la hauteur sera de redonner des perspectives, sinon nos forces vives vont s'effilocher », prédit-il, souhaitant que « la santé soit un des grands sujets du prochain quinquennat ».

Avec AFP

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