Étudiant en santé, étudiant maltraité

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Les patients ne sont pas les seuls à souffrir à l’hôpital

Étudiant en santé, étudiant maltraité

Le Dr Valérie Auslender, jeune généraliste parisienne, publie aujourd’hui Omerta à l’hôpital. Un ouvrage en forme de cri d’alarme, qui dénonce les maltraitances dont souffrent les étudiants en santé. Carabins compris.

Harcèlement sexuel, humiliations quotidiennes, suicide… On ne peut pas dire qu’Omerta à l’hôpital, ouvrage du Dr Valérie Auslender paru aujourd’hui chez Michalon, soit un livre réjouissant. Il a pourtant le mérite d’éclairer un sujet que tous les professionnels de santé connaissent, mais dont peu osent parler : la maltraitance dont les étudiants sont victimes à l’hôpital.

L’auteur est une jeune généraliste parisienne. Elle travaille maintenant loin de l’hôpital, au pôle santé de Sciences Po, où elle a en charge une population de plusieurs milliers d’étudiants. Mais elle a été marquée par ses années de formation médicale. « Les maltraitances étaient toujours plus ou moins tues par les étudiants, cela m'a toujours dérangée », confie-t-elle à What’s up Doc.

Des témoignages insoutenables

Son livre repose sur plus d’une centaine de témoignages d’étudiants en médecine, en soins infirmiers, en maïeutique, dont certains sont difficilement soutenables. Un chirurgien jette une compresse ensanglantée au visage de l’externe en pleine opération. Un étudiant se suicide à la suite d’une soirée carabine, et ses co-externes déclarent qu’il ne « tenait pas l’alcool ». Un stage en chirurgie de la main occupe un carabin « jusqu’à 120 heures de travail hebdomadaire pour zéro euro ».

Bref, l’apprentissage du métier est un calvaire : difficile d’aimer ce que l’on fait quand les « ton travail est nul à chier » pleuvent sur votre tête… « Et tout cela se passe à l'hôpital, un lieu où l’on s'attendrait à trouver de l’humanité, de la bienveillance, un lieu où l’on est sensé prendre soin de l'autre », déplore l’auteur.

La faute au management hospitalier

Mais le livre ne se contente pas de livrer la parole des étudiants. Il offre aussi des analyses rédigées par des personnalités du monde de la santé telles que le psychiatre Christophe Dejours, la philosophe Cynthia Fleury ou encore l’interniste Didier Sicard. Ces experts cherchent à identifier les racines du mal, et mettent unanimement le management hospitalier et les réductions d’effectif au premier rang des accusés. « Quand on n’a pas le temps de soigner les patients, on a encore moins le temps de former les étudiants », résume Valérie Auslender.

Il y a plus. Christophe Dejours explique notamment que les soignants sont très conscients de manquer à leur éthique professionnelle en raison des restrictions budgétaires. L’étudiant, par sa bonne volonté, sa candeur, réveille chez eux une certaine « souffrance éthique ». Il devient donc l’ennemi de celui qui est censé le former. Une véritable crise du compagnonnage.

Source:

Adrien Renaud

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