Dr Maxime Ransay-Colle : « Être médecin à Mayotte c’est se sentir, utile, soutenu et aimé, c’est rare aujourd’hui ! »

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Mayotte débarque en force à SantExpo du 21 au 23 mai, Porte de Versailles (hall 7.3) à Paris. Une grande délégation de l’ARS, de l’hôpital, mais aussi des médecins de ville seront là pour vous décrire l’exercice sur l’île. Dr Maxime Ransay-Colle, jeune médecin de santé publique à l’ARS-Mayotte ne fera pas le voyage, la crise du choléra le mobilise sur place, mais il a un message à passer à ses confrères : venez me rejoindre à Mayotte !

Dr Maxime Ransay-Colle : « Être médecin à Mayotte c’est se sentir, utile, soutenu et aimé, c’est rare aujourd’hui ! »

Dr Maxime Ransay-Colle

© ARS Mayotte

What's up Doc : Mayotte vient en force à SantExpo à Paris, la semaine prochaine ?

Maxime Ransay-Colle : En effet, pour la première fois, l’ARS Mayotte participe avec une forte visibilité en lien avec les partenaires en santé de l’île, une délégation d’une douzaine de personnes : le DG de l’ARS, le DG de l’hôpital, mais aussi des chefs de service et des médecins libéraux... 

Quels sont les besoins en médecins à Mayotte ?

MRC. On a besoin de toutes les spécialités. Sur le versant libéral, on a aujourd'hui une vingtaine de médecins généralistes sur l’île, dans dix-sept cabinets médicaux. Ce n’est pas assez pour un bassin de population de trois cent mille habitants.
Même si notre offre se structure en ce moment avec les CPTS ou des MSP qui s'ouvrent. 
A l’hôpital, l'ensemble des filières est en tension, mais en priorité, les soins critiques et les urgences. La maternité aussi survit depuis un an grâce à des renforts de la réserve sanitaire, ou des médecins de passage sur des contrats courts.

Recevez-vous des internes du CHU de La Réunion ?

MRC. Oui, mais pas assez, car il y a suffisamment de postes à la Réunion, pour tous les internes, donc ne viennent à Mayotte que les internes volontaires. 
C’est pourtant une zone de stage très intéressante pour les internes, notamment pour les plus expérimentés, en fin de cursus, comme les docteurs juniors qui peuvent bénéficier d'une grande liberté, d'une grande autonomie et d'une grande diversité dans la pratique.
Mais trop peu d'internes métropolitains passent le cap et se disent “Tiens, je vais faire un semestre en médecine infectieuse, en gynéco ou aux urgences”. Pourtant sur la pratique, comme la vie sur l’île, franchement, ces six mois vont être plaisants. Et en plus on a un internat refait à neuf ! Et il y a une majoration de 40% sur les salaires. Ça c'est vrai pour les internes, mais aussi pour les médecins du service public et donc aussi à l’hôpital. 

« Mayotte, c'est la France, ce n'est pas le tiers-monde, il y a des cabinets de ville, des MSP, un hôpital qui bénéficie des mêmes infrastructures qu’en métropole. »

Et vous, pourquoi avez-vous choisi de venir exercer à Mayotte ? 

MRC. Je suis de Nancy, j'ai fait mon internat en métropole. Venir à Mayotte était un choix de vie personnel. Mon rêve, c'est de faire de la médecine humanitaire.
J'ai fait une partie de mon internat en Guyane, à la Croix Rouge. Mayotte était vraiment le type de territoire sur lequel j'avais envie de travailler, et pour lequel je m'étais formé. La prise en charge des populations précaires me passionne. 
Avant de venir, je ne connaissais que ce qu'on entend dans les médias sur le département. Mayotte surprend. J’adore la culture et le mode de vie. J’adore l'exercice professionnel. Le paysage et le lagon sont absolument magnifiques. C'est un des plus beaux endroits de France. 
Après, effectivement, on se confronte à la précarité, à l'immigration, à une certaine tension sociale qui peut exister, mais pour laquelle on peut œuvrer positivement. Cela reste une expérience unique. Mayotte est atypique, mais c'est malgré tout la France.
On a toutes les commodités nécessaires à une vie de qualité, malgré certains aléas. On souffre de cette image très humanitaire, et je me rends compte que mes propos peuvent faire perdurer cette impression. Mais, même si dans la pratique professionnelle, on a une plus grande proportion de médecine de précarité, tout cela se passe dans un cadre qui reste la France, avec des cabinets de ville, des MSP, un hôpital qui bénéficie de la même infrastructure qu’en métropole. On a des équipements lourds, de l'imagerie, des scanners, IRM, on a de l’ana-path, de la chirurgie. Notre hôpital a certaines difficultés à fonctionner, il est en cours de structuration et souffre du manque de personnel, mais il reste équipé pour fonctionner selon les standards métropolitains. C’est la France, ce n’est pas le tiers monde !
Cela doit rassurer les confrères sur la qualité de vie qu'ils peuvent obtenir ici

Quels avantages, par exemple, pour un médecin libéral qui vient s’installer à Mayotte ?

MRC. L’agence d’attractivité May’Santé a été créée l'an dernier pour structurer l’accueil des hospitaliers, mais va se développer dans le courant de l'année, et créer sa branche libérale pour proposer une conciergerie unique pour faciliter l'installation des médecins libéraux. Après on a bien évidemment les aides de la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte pour les libéraux qui s’installent. L'ARS fournit aussi des aides supplémentaires, qui peuvent prendre différentes formes. On est assez flexible pour justement se montrer le plus attractif possible. Ça peut être de l'équipement du cabinet, des aides à l'installation, ou même de l'investissement dans le foncier.

« Mayotte c'est un endroit unique en France qui vous permettra d'avoir un exercice plus riche mais aussi plus rémunérateur. »

Pour vous donner un exemple très concret, on a trois cardiologues qui ont envie de venir monter leur centre de cardiologie à Mayotte. Ils vont se faire financer par les collectivités. Nous, l’ARS, on les soutient, on les aide à recueillir les aides des collectivités territoriales. On fait en sorte de faciliter les démarches, pour que les installations soient simples pour les spécialistes comme pour les généralistes. 
C’est un parcours administratif, comme partout, mais on aide bien plus que dans d'autres territoires pour simplifier ces démarches et pour donner des avantages plus conséquents. Et pour les médecins libéraux, l'Urssaf est minoré c’est 5% au lieu de 33% en métropole. Mayotte c'est un endroit unique en France qui vous permettra d'avoir un exercice plus riche mais aussi plus rémunérateur. Il ne faut pas se mentir on gagne mieux sa vie en tant que praticien à Mayotte.

Et qu’est ce qui rend l’exercice médical passionnant à Mayotte ?

MRC. Les besoins sont tellement grands qu'on peut vraiment avoir plusieurs activités, plusieurs vies professionnelles presque en parallèle ça, c'est la première force.
Pour preuve, moi, en tant que médecin ARS, je fais du terrain, de la vaccination, je fais des suivis épidémiologiques. Ici, on souffre de la coqueluche, de la diphtérie et en ce moment du choléra. Sur le choléra, j'ai été impliqué à la fois sur la construction de la stratégie, mais aussi sur la vaccination, l'évaluation dans les centres de traitement, voire la thérapeutique. C'est vraiment hyper intéressant. Et pour l'ensemble de mes confrères, cette diversité d’exercice est possible.
On a un grand besoin de praticiens et c'est une opportunité à la fois pour les experts de venir pratiquer leur expertise, mais aussi pour les novices, les profanes, de venir construire une expertise, par exemple en médecine tropicale, pour les infectiologues. Les médecins généralistes peuvent se spécialiser en médecine pédiatrique ou périnatale, en médecine épidémique, ou plus spécifiquement sur le choléra, la dengue, la médecine vaccinale et prophylactique, la diphtérie, la coqueluche, le tétanos... Ce sont des opportunités uniques pour les praticiens de développer leurs compétences. Aucun autre territoire en France ne permet cette diversité.

« Ici, il y a une réelle bienveillance des patients vis-à-vis des professionnels de santé, c'est un facteur d’attractivité énorme. » 

Et quelle est l’ambiance de travail entre les médecins ?

MRC. On a une vraie proximité avec un réseau qui se construit très rapidement. Quand on a un problème, on n'appelle pas le standard de l'hôpital mais directement un confrère qu'on va très rapidement tutoyer. On va aussi pouvoir construire des projets avec les professionnels du territoire, de manière beaucoup plus simple, beaucoup moins policée que ce qu'on peut voir en métropole. Mayotte malheureusement, souffre d'une succession de crises. On a eu la crise de l'eau, on a eu des blocages qui ont rendu difficile l'exercice pour certains professionnels, et là on a le choléra. Les praticiens font l’union sacrée pour venir soutenir les actions de terrain.
Par exemple, les libéraux viennent nous aider sur des actions de vaccination. Ils nous aident aussi parfois pour renforcer les services de l’hôpital.
Mais surtout, les gens ont une relation aux soins complètement différente ici. C'est une patientèle agréable. On sait qu’aujourd'hui le soin est devenu un bien de consommation en métropole, que les gens le considèrent comme un dû et le médecin comme un exécutant. Ici, le développement de l’offre de santé a été assez rapide. Il y a peu la population était très portée sur la médecine traditionnelle et elle est très reconnaissante d'avoir accès à des soins de qualité. Il y a une réelle bienveillance vis-à-vis des professionnels de santé, c'est un facteur d’attractivité énorme. Se sentir utile, aimé, soutenu par une population, c’est loin de ce que ressentent la plupart des médecins.

https://www.chmayotte.fr/maysante/

Et vous à l’ARS, vous avez aussi besoin de renfort en médecins ?

MRC. Si des confrères veulent nous rejoindre, c'est un exercice extrêmement riche pour toutes les spécialités, mais c'est peut-être encore plus vrai pour la médecine de santé publique. Il faut accompagner la structuration et la construction de ce système de santé qui est relativement jeune. Mayotte n'est un département que depuis 2011. Il y a besoin de ressources pour faire tourner ces filières de soins, il y a besoin de médecins pour venir prendre en charge cette population en première ligne, mais aussi sur la prise en charge de spécialités. On travaille même sur les soins d'hyper spécialité, qui pour l'instant sont réalisés en lien avec La Réunion. Mais on équipe les structures et notamment l'hôpital pour qu'il soit en capacité de le faire. Il ne manque plus que des âmes volontaires et déterminées pour venir animer tout ça.
Mais il faut passer le cap, et surmonter tous les on-dit et tous les clichés qui peuvent être véhiculés au travers des médias métropolitains.
Nulle part en France, vous ne vous sentirez aussi utile qu'à Mayotte, c'est certain.

- Une interview organisée par l'ARS Mayotte
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