
Kilian Thomas © ReAGJIR
What’s up Doc : Qui est le nouveau président des jeunes généralistes ?
Kilian Thomas : J’ai 32 ans et exerce comme médecin remplaçant en Loire-Atlantique, d’où je suis originaire. J’ai fait mon internat à Angers et ai, depuis, exercé à la fois en milieu urbain et rural. Au niveau syndical, je suis arrivé en 2023 au bureau, avant de passer premier vice-président dans le mandat précédent.
Votre prédécesseur Raphaël Dachicourt, lui, était installé. Votre élection est-elle le signe que la question des remplaçants sera centrale dans l’agenda syndical ?
KL. : Elle l’était déjà. Mon prédécesseur a quand même martelé le conventionnement des médecins remplaçants, jusqu’à initié un recours au conseil d’État pour les intégrer au cadre conventionnel. Donc on va continuer sur cette voie, c’est sûr.
D’ailleurs, où en est-on de cette procédure ?
KL. : On l’a lancé en décembre 2024, et il faut au moins 18 mois de procédure...
Quelles seront les priorités de votre mandat ?
KL. : La première s’impose du fait du contexte actuel : c’est l’accès aux soins, notamment du fait de l’augmentation des besoins de la population, elle-même liée à la diminution des médecins généralistes en ambulatoire.
Le deuxième axe, c’est d’étudier à la base le référentiel métier qui vient d’être écrit par le Collège de la médecine générale. Notre but, c’est de donner la parole aux jeunes généralistes qui, peut-être aujourd’hui, ne savent plus trop où ils en sont, entre le contexte politique et les mutations que notre métier est en train de connaître. On souhaite qu’ils s’emparent de ce référentiel, pour qu’on puisse affirmer notre rôle et construire avec les autres professionnels de soins primaires le système de santé de demain.
« La figure du médecin généraliste tout seul dans son cabinet n’existe plus »
À propos de la mutation du métier, comment ReAGJIR se positionne vis-à-vis des récentes mesures de partage des compétences avec les paramédicaux ?
KL. : On a toujours défendu une vision interprofessionnelle. La figure du médecin généraliste tout seul dans son cabinet n’existe plus. Les jeunes médecins veulent travailler à plusieurs, que ce soit entre confrères, mais également avec les autres professionnels de santé, sans conditions hiérarchiques. Il y a une volonté d’aller ensemble vers l’amélioration de nos prises en charge pour les patients.
Autre dossier chaud : la réforme de la 4e année d’internat. En tant que partie prenante du comité de suivi, on imagine que vous suivez ça de près...
KL. : Tout à fait. On attend surtout les décrets qui sont censés paraître d’ici la mi-juillet. Nous suivons cela avec une extrême vigilance dans l’intérêt de notre profession. Nous espérons que tous ces docteurs juniors (DJA) pourront connaître les stages en secteur ambulatoire, qui est le cœur du métier.
Niveau rémunération, vous en dites quoi ?
KL. : Il y a beaucoup d’interrogations. On a l’impression qu’on est parti dans une usine à gaz très technique, alors qu’on proposait un modèle beaucoup plus simple, un peu sur le principe des rétrocessions des remplaçants. C’est ce qui nous inquiète un peu : comment vont être rémunérés les docteurs juniors ambulatoires et comment faire en sorte que cette année reste professionnalisante. Je trouve dommage le mode de rémunération présenté, surtout lorsqu’on expose que pouvoir se roder à l’exercice, y compris du point de vue gestion, donne envie de s’installer plus tard.
En revanche, on considère que c’est un gros pas en avant que d’avoir étendu à toutes les zones sous-dotées les conditions d’éligibilité à la prime pour les maîtres de stage (MSU). Une condition nécessaire pour s’assurer qu’il y en ait assez pour accueillir tous ces docteurs juniors.
« Les mesures incitatives fonctionnent surtout si elles sont orientées sur les aides humaines »
On connaît votre position sur la proposition de loi Garot. Mais qu’en est-il de la proposition de loi Mouiller, qui propose notamment de conditionner l’installation des généralistes à leur exercice partiel en zone sous-dotée ?
KL. : Sur le principe de faire appel à la solidarité entre médecins, on trouve cela très bien. C'est d'ailleurs basé sur une expérimentation qui existe déjà avec Médecins Solidaires. On voit qu’il y a quand même de l’engouement et une certaine réussite. En revanche, on ne pourra pas faire ça sur 87% du territoire. Il va falloir cibler les territoires nécessiteux et surtout faire attention à ce que le dispositif ne touche pas les médecins déjà en difficulté dans certaines zones en tension.
C’est dommage de ne pas avoir été consultés, notamment pour évoquer le vivier remplaçant. On a souvent des emplois du temps plus légers que nos confrères installés, donc on serait potentiellement plus à même à répondre à ces missions solidaires.
Les mesures incitatives, vous y croyez encore ?
KL. : On y croit surtout si elles sont orientées sur les aides humaines, car ce sont elles qui ont un impact positif sur l’envie de s’installer. Les aides financières, on le sait, interviennent que beaucoup plus tard dans la réflexion. La complexification de l’exercice, l’aspect bureaucratique, les problématiques liées aux cotisations aux charges et aux normes du cabinet… Tout cela nécessite une expertise que l’on n’acquière pas pendant nos études. Avoir des aides humaines pour nous orienter et nous guider aurait effectivement un impact sur l’installation.
On dit régulièrement que les jeunes médecins tournent le dos aux syndicats. Comment inverser cette tendance ?
KL. : Il y a un désengagement global dans la société, que ce soit au niveau associatif ou syndical. Le collectif semble un peu s’effriter et notre profession n’exclut pas à ce principe. Pourtant, je persiste à croire que l’on continuera à faire de belles choses, si on continue à se rassembler et à travailler ensemble. Car, si on a tous compris une chose en adhérant à un syndicat, c’est que même si seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.