Dr Jean-Victor Blanc, psychiatre : « Je veux casser le cliché du vieux psychiatre bourgeois blanc un peu bougon et abscons »

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En analysant les liens entre pop culture et psychiatrie depuis 8 ans, le médecin dépoussière sa spécialité. Il organise un festival pour déstigmatiser les troubles psychiques… et la psychiatrie. 

Dr Jean-Victor Blanc, psychiatre : « Je veux casser le cliché du vieux psychiatre bourgeois blanc un peu bougon et abscons »

Dr Jean-Victor Blanc veut moderniser sa spécialité. Psychiatre à l’Hôpital Saint-Antoine AP-HP, il interroge les relations entre la culture pop et la psychiatrie depuis 8 ans. D’abord sous la forme de conférences, puis du livre Pop & Psy - Comment la pop culture nous aide à comprendre les troubles psychiques, et enfin d’un festival qui a attiré plus de 10 000 personnes l’année dernière. 

Pour la quatrième édition de Pop & Psy, des artistes, célébrités, médecins, experts de la santé mentale, patients et aidants se réuniront pour « déstigmatiser les troubles psychiques à l'aide de la pop culture », du 10 au 12 octobre, à la Communale de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Le journaliste Nicolas Demorand, auteur d’un livre sur sa bipolarité, la militante contre la soumission chimique Caroline Darian, fille de Gisèle Pelicot, ou encore l’humoriste Muriel Robin, qui aborde sa dépression dans plusieurs spectacles, font partie de la programmation. 

« La mauvaise représentation du secteur de la psychiatrie explique en partie les difficultés de recrutement auxquelles nous sommes confrontés, avec de nombreux postes non pourvus » 

What’s Up Doc : Pourquoi avoir créé le festival Pop & Psy ?

Dr Jean-Victor Blanc : L’objectif est de déstigmatiser les troubles psychiques mais aussi de montrer une autre image de la psychiatrie. Le grand public a toujours cette image clichée du vieux psychiatre bourgeois blanc, un peu bougon ou abscons, qui vient probablement de Freud. Mais il existe d’autres modèles ! 

La mauvaise représentation du secteur de la psychiatrie explique en partie les difficultés de recrutement auxquelles nous sommes confrontés, avec de nombreux postes non pourvus. Le fait de dire que c’est une spécialité non scientifique et la stigmatisation des patients, qui se répercute sur les soignants, participent au manque d’attractivité. 

Avec ce festival, nous voulons susciter des vocations à notre échelle. Cela peut paraître anecdotique mais des internes et des étudiants en psycho m’ont déjà dit que c’est aussi grâce à Pop & Psy qu’ils ont choisi la psychiatrie. Quand j’entends ça, je suis trop content car la psychiatrie, c’est la meilleure spécialité ! 

« Il ne s’agit ni d’un congrès ni d’un entre-soi mais d’un véritable mélange car l’évènement est gratuit et accessible à tous » 

Ce n’est donc pas un festival qui s’adresse uniquement au grand public ? Il peut aussi intéresser les médecins ? 

J-V. B : Initialement, Pop & Psy a été créé pour le grand public mais nous avons réalisé une étude d’impact qui montre que 30% des visiteurs, lors des précédentes éditions, étaient en fait des professionnels du secteur. 

C’est un endroit où ils viennent se former sur leur temps libre, en assistant aux conférences. Cette année, la table ronde sur le TDAH avec Dr Anne Claret-Tournier peut les intéresser car c’est une pathologie dont on parle beaucoup mais qui reste mal connue. Il y aura aussi des échanges autour du choc post-traumatique, dix ans après les attentats de Paris, qui concerne malheureusement certains soignants. 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/odile-amiot-psychiatre-en-plus-des-imageries-des-bilans-bio-le-scanner-cest-nous-nos-yeux

C’est aussi un moment pour développer du réseau avec des acteurs qu’on ne connaît pas forcément. Il y a de nombreuses structures et associations présentes dans notre « village des solutions » comme le GHU de Paris ou Maison perchée. Il ne s’agit ni d’un congrès ni d’un entre-soi mais d’un véritable mélange car l’évènement est gratuit et accessible à tous. 

Les professionnels du secteur viennent aussi chercher des choses de l’ordre du divertissement. L’année dernière, par exemple, on a eu une représentation du cabaret Madame Arthur et un concert de la chanteuse Nâdiya. Ils veulent passer un bon moment, ce qui est important car ce n’est pas tous les jours qu’on s’amuse dans un cadre professionnel en santé en général, et d’autant plus en psychiatrie. 

« Il s'est passé des choses cette année mais pas de la part du gouvernement, qui n’a annoncé aucune mesure structurelle pour répondre aux défis du secteur »  

Cette édition se déroule à la fin de l'année 2025, pendant laquelle la santé mentale était la  « grande cause nationale ». Quel bilan tirez-vous de cette année ? 

J-V. B : Honnêtement, ça n’a rien changé en psychiatrie. Il y a une énorme déception pour les professionnels sur le terrain.

On peut retenir que pas mal d'acteurs du public, d'acteurs institutionnels, de médias et d'entreprises se sont mobilisés sur le sujet. Il y a aussi eu la prise de parole du journaliste Nicolas Demorand sur sa bipolarité. Ce qui est un peu une première en France. Mais même si on parle de plus en plus de santé mentale, cela ne se traduit pas par plus de vocations. 

Il s'est donc passé des choses cette année mais pas de la part du gouvernement, qui n’a annoncé aucune mesure structurelle pour répondre aux défis du secteur. Si j’ai créé Pop & Psy en dehors des institutions, c'est parce que c'était un des seuls moyens que j'avais d'agir, d'essayer de faire changer un peu les choses. Mais évidemment, ce genre d’initiative ne peut pas répondre au manque de personnel, de moyens et toutes les problématiques qui continuent de grever la profession. 

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