Dr Didier Peillon : « J’ai provoqué la mort de patients par souci d’humanité »

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Le Dr Didier Peillon, médecin réanimateur de 64 ans et ancien chef des urgences dans la région lyonnaise, a déclenché un vif débat en publiant son ouvrage Ces malades que nous aidons à mourir (City Editions, 10 septembre 2025). Dans ce livre, il raconte ses trente-cinq années de carrière marquées par des décisions difficiles en fin de vie, où il dit avoir volontairement renoncé à certains actes médicaux pour ne pas prolonger l’agonie de patients. Ses aveux lui valent aujourd’hui une suspension par l’Ordre des médecins et un signalement au procureur.

Dr Didier Peillon : « J’ai provoqué la mort de patients par souci d’humanité »

Dr Didier Peillon.

© DR. 

Un témoignage qui brise un tabou

« J’ai provoqué la mort de patients par souci d’humanité », écrit-il dans son livre, selon Le Progrès. Interrogé sur BFM Lyon, le médecin précise : « Provoquer la mort, ça peut être un geste très actif, immédiat, injecter un produit létal par exemple. J’en rapporte deux dossiers médicaux où ce type d’acte s’est imposé pour des raisons d’humanité. »

Mais pour lui, l’essentiel n’est pas là : « Le gros sujet, ce sont les décisions de limitation de traitement, qui elles sont quasiment quotidiennes dans tous les services de médecine, de chirurgie, de réanimation. » Il insiste : « Ce sont des pratiques parfois tout à fait nécessaires. »

Des situations d’urgence extrêmes

Didier Peillon évoque un souvenir marquant : « Un patient s’étouffait dans son sang après la rupture d’un vaisseau. C’était une vision d’épouvante. Avec le chirurgien ORL, nous avons décidé de mettre en route une anesthésie très rapide. On n’a pas eu le temps de prévenir ni la famille ni la hiérarchie. C’est ce qui se fait dans ces situations. »

Il rejette toute assimilation à une euthanasie : « Ce n’est pas une euthanasie déguisée, c’est simplement une réponse à une situation d’épouvante. »

Le vide juridique dénoncé

Au cœur de son témoignage, une critique du cadre légal : « Il y a un vide juridique énorme parce que la loi ne prévoit absolument pas les situations de décision en urgence. La loi exige un processus collégial avant toute limitation thérapeutique, mais jamais il n’est fait mention de nos activités d’urgence. »

Il souligne que les praticiens, souvent seuls, doivent trancher rapidement : « Pendant les périodes de garde, chaque spécialiste est seul dans sa spécialité et doit décider : je fais, je fais pas. »

Des chiffres qui interpellent

Le médecin cite une étude de l’INED : « Elle laisse penser qu’il y a à peu près 5 à 6 000 injections létales en France par an. Et surtout, plus de 200 000 à 300 000 décès surviennent dans des contextes de limitation thérapeutique. Plus d’un décès sur deux survient dans les suites d’une décision médicale de ne pas faire le maximum. »

Pour lui, cela prouve que ces décisions font déjà partie du quotidien médical, même si elles ne sont pas encadrées.

Une démarche assumée malgré la sanction

Suspension immédiate, convocation par l’Ordre des médecins, signalement au procureur : les conséquences n’ont pas tardé. Peillon s’y attendait et assure ne pas regretter sa démarche : « L’objectif n’est pas du tout de choquer, encore moins de blesser. C’est simplement de témoigner de notre réalité de professionnels. On se focalise beaucoup sur les soins palliatifs, mais la majorité des patients ne décèdent pas dans ces unités. Ils décèdent à domicile, en EHPAD, aux urgences, en médecine, en chirurgie. »

Suspendu à titre conservatoire, il garde l’espoir de reprendre son poste : « Ma direction est bienveillante. J’espère qu’après vérification de mes pratiques, je pourrai réintégrer mon équipe parce que j’adore mon travail. »

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/diaporama/chaque-medecin-son-avis-sur-la-fin-de-vie

Pour lui, le véritable enjeu est ailleurs : « Après, ce n’est pas le sujet à côté de l’importance du débat et de la problématique. Ça m’impacte, ça me touche, mais ce n’est pas le fond du problème. »

En publiant ce témoignage, Didier Peillon espère surtout relancer la discussion : « Selon moi, la proposition de loi actuelle sur la fin de vie ne changera pas 95 % des situations. Elle n’est pas adaptée aux urgences auxquelles nous sommes confrontés. »

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