#DocteurGreen – Médecins, soyez acteurs de la société !

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Entretien avec Xavier Deau, président de la World Medical Association

#DocteurGreen – Médecins, soyez acteurs de la société !

Quelle est la place du médecin à l’heure où l’environnement part à vau-l’eau ? A l’occasion d’un événement organisé par le Conseil de l'Ordre en marge de la COP21, nous avons posé la question au Dr Xavier Deau, président de l’Association médicale mondiale et médecin généraliste en banlieue d’Épinal.


What’s up Doc : En quoi les médecins sont-ils concernés par le dérèglement climatique ?

Dr Xavier Deau: Il est du devoir critique du médecin de s’investir dans la prévention des effets négatifs liés au changement climatique. Lors des cataclysmes, comme les cyclones ou les tsunamis, pour prendre en charge les maladies. Mais aussi dans le soin et la prévention des maladies chroniques liées au climat. Il doit absolument être un vecteur d’information et de conseils auprès des autorités.

WUD : Vous appelez à ce que les médecins jouent un rôle politique plus affirmé ?

XD: Le médecin doit avoir une double casquette, médicale et sociétale. Il n’est pas là pour faire de la grande politique mais il est au cœur de la prévention et doit conseiller les autorités locales dans leurs décisions. Cela peut vouloir dire faire pression pour favoriser les transports en commun, les chauffages à énergie positive, ou encore construire de vraies pistes cyclables. Surtout à l’échelon de la ville, où sont émis 80 % des gaz à effet de serre.

WUD : C’est une tâche dont les médecins ont du mal à s’emparer ?

XD: On ne leur apprend pas à la faculté, ça c’est clair ! Mais un médecin en exercice se rend très rapidement compte qu’il doit prendre en charge le patient et son environnement.

WUD : Le système de soins existant favorise-t-il cette vision des choses ?

XD: En France, on a la chance d’avoir une médecine installée sur un triptyque républicain. L’équité dans le soin nous paraît logique, contrairement aux Etats-Unis par exemple. La solidarité nationale est réelle, il suffit de voir notre CMU. La liberté du patient de choisir son médecin existe toujours. Ce sont des valeurs profondes que nous nous devons de promouvoir pour faire du médecin un acteur social.

WUD : Par quels moyens ?

XD: Vous connaissez les débats que nous avons eus au sujet de la loi « Hôpital, patients, santé, territoires ». « Territoires », ça veut dire que le médecin est acteur du soin et de la prévention au sein d’un territoire. Ce débat se prolonge dans la « loi santé ». Il y a des aménagements à faire mais je pense que nos législateurs et nos syndicats médicaux doivent continuer à promouvoir cette approche territoriale de la santé.

WUD : Ce changement de rôle du médecin se fait-il facilement dans les jeunes générations ?

XD: En France, les jeunes médecins et les médecins sont peu enclins à prendre des initiatives individuelles. Ce qui manque dans notre système actuel, c’est la vraie créativité, au niveau de l’exercice de la médecine et aussi du système de prévention. On attend que le ministère de la Santé nous donne tout, on critique tout. Mais en tant qu’acteurs, que faisons-nous effectivement ? C’est une vraie question.

WUD : La formation des jeunes médecins prend-elle en compte la dimension environnementale ?

XD: Franchement, non. Il faut que nos enseignants et nos doyens comprennent que le médecin est résolument un acteur de la société et non plus seulement un acteur du soin. C’est ce rôle sociétal qu’il faut lui redonner. Dans le temps, il l’avait naturellement : le médecin était installé dans le village, entre le maire, le notaire et le curé. À force de lui avoir peut-être un peu trop grignoté ce « pouvoir », il ne l’a plus ou n’est plus conscient qu’il pourrait toujours l’avoir.

Source:

Yvan Pandelé

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