"De nombreuses raisons m’ont incité à faire de la médecine humanitaire"

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La Dr Anne Mengin, est anesthésiste-réanimatrice au CHU de Dijon. Après de nombreuses années de pratique à la maternité et à l’hôpital d’enfant, elle se lance dans la médecine humanitaire où les anesth-réa sont particulièrement recherchés. C’est au Burkina Faso, avec la Chaine de l’Espoir qu’Anne va exercer son métier auprès d’enfants particulièrement touchés par les pathologies maxillo-faciales. Elle revient pour WUD sur sa première expérience en médecine humanitaire.

"De nombreuses raisons m’ont incité à faire de la médecine humanitaire"

Quel est ton parcours universitaire ?

 
J’ai réalisé mon externat au CHU de Nîmes. J’ai ensuite fait mon internat en anesthésie-réanimation au CHU de Dijon, et j’ai enchainé avec un clinicat à la maternité et l’hôpital d’enfant de ce même CHU.
 

Pourquoi l’anesthésie ?

 
C’est une discipline assez complète où il est nécessaire d’avoir beaucoup de connaissances transversales, une maitrise de nombreux gestes techniques sans oublier la gestion des urgences médico-chirurgicales que nous devons prendre en charge. De plus, l’anesthésie-réanimation nous offre la possibilité d’exercer des activités diverses, au bloc opératoire, en réanimation ou encore au Samu.


Pourquoi la médecine humanitaire ?

 
De nombreuses raisons m’ont incité à faire de la médecine humanitaire. Peut-être, changer mon mode d’exercice hospitalier, me mettre en danger aussi sans doute, en sortant des sentiers battus de nos blocs aseptisés. Bien entendu, il y a aussi l’envie de découvrir d’autres cultures. C’est essentiel dans notre métier, cela nous permet de prendre du recul sur le ressenti de la pathologie ou l’expression de la douleur selon les peuples. Enfin, l’humanitaire, c’est l’opportunité de venir en aide à des personnes en difficulté, qui n’ont parfois aucun accès aux soins et des moyens limités. Il faut cependant se lancer dans l’humanitaire après une certaine expérience pour faire face à l’imprévu plus sereinement et rendre le plus grand service aux populations.
 

Avec quelle association as-tu fait le choix de partir ?

 
Il existe plusieurs associations humanitaires. J’ai fait le choix de partir avec la chaine de l’espoir, créée en 1994 par le Professeur Alain Deloche, un chirurgien cardiaque. L’asso’ est présente dans 30 pays et réalise environ 170 missions internationales. Au Burkina Faso, où je me suis rendue, la mission permet de soigner environ 140 enfants par an en moyenne, et mise beaucoup sur la formation du personnel médical local.
 
Le matériel est financé par la Chaine de l’espoir (dons) et par la générosité des labos (seringues, petits champs-op, compresses...). Le projet bénéficie également d’un appui financier de l’Agence Française de Développement (AFD). Les conditions de travail sont plutôt « secure », on dispose d’un matériel fonctionnel, notamment de respirateur et des drogues que l’on utilise au quotidien en anesthésie. Malgré cela, les conditions ne sont pas identiques, on ne retrouve pas de prise d’air au mur, l’aspiration est partagée entre le chir’ et l’anesth’, et nous pratiquons la réutilisation de matériel comme cela se faisait en France il y a à peine 20 ans.
 
Il y a aussi des situations plus difficiles à gérer, telles que des coupures d’électricité, d’oxygène, ce qui peut être assez impressionnant. Mais comme toujours en anesthésie, la clé c’est d’être toujours bien préparé : lampe, stéthoscope, BAVU et bouteille d’oxygène à proximité immédiate permettent d’éviter le pire.

 

Peux-tu nous décrire la mission en quelques mots ?

 
La première journée, nous réalisons les consultations. Nous voyons des patients de tous âges, venus de différents endroits du pays. Ces consultations nous permettent de prioriser les interventions que nous allons réaliser. Ce choix se fait selon le niveau de handicap fonctionnel, mais aussi social. Chaque jour nous préparons les blocs pour le lendemain et installons le matériel.

Du deuxième au 8e jour, nous réalisons avec l’équipe chirurgicale les interventions que nous avons décidé de faire. Enfin le 9e jour nous rendons visite aux patients dans les dispensaires, et c’était aussi enfin le moment pour les chirurgiens d’enlever les pansements et de donner les consignes pour les soins.
 

As-tu eu des cas plus compliqués que d’autres ?

 
Oui, quelques-uns. Notamment la prise en charge des ankyloses temporo-mandibulaires suite à des infections dentaires la plupart du temps. Ces enfants ne peuvent plus du tout ouvrir la bouche et ne se nourrissent que de liquide. Pour la prise en charge anesthésique, nous n’avions pas d’accès aux voies aériennes sup et une intubation au fibroscope est obligatoire, ce qui n’est pas sans risque.
 

C’est une expérience très enrichissante humainement

À refaire alors ?

 
Oui bien sûr. C’est une expérience très enrichissante humainement, mais aussi sur un plan médical. On doit faire face à des pathologies inhabituelles et des malformations que l’on ne voit pas chez nous.
 

Cette expérience a-t-elle changé ton regard sur la pratique en France ?

 
Naturellement. La relation soignant/patient est très différente. Les populations locales ont beaucoup de reconnaissance pour nous. En France, avec la gratuité des soins, l’accès à la santé est presque un « dû » alors que là-bas, notre aide est une vraie aubaine.
 

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