Dans le traitement du cancer, n’oubliez pas : “La dénutrition diminue les chances de pouvoir faire un traitement oncologique complet”

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"Je n'avais plus que la peau sur les os". Victime d'un cancer, Pascale Parsis a aussi souffert de dénutrition, un trouble de l'appétit dû à la maladie ou aux traitements, susceptible de compromettre la guérison.

Dans le traitement du cancer, n’oubliez pas : “La dénutrition diminue les chances de pouvoir faire un traitement oncologique complet”

© IStock 

"Quand on m'a annoncé mon cancer colorectal avec métastases au foie il y a 4 ans, je pesais 66 kilos", raconte cette Lilloise de 58 ans. Quelques mois plus tard, elle était descendue à 50 kilos.

"A cause du cancer et de la chimio, je n'avais plus faim et je n'arrivais plus à manger, j'avais des aphtes plein la bouche", décrit-elle à l'AFP.

L'équipe médicale ne se focalise alors que sur ses traitements. C'est après une rencontre avec une bénévole de la Ligue contre le cancer qu'elle a réappris à manger : "elle m'a orientée vers une diététicienne, ça a été long mais j'ai repris du poids, ça m'a sauvée".

La dénutrition, caractérisée par un déséquilibre prolongé entre les apports et les dépenses énergétiques, est l'une des complications fréquentes des cancers et de leurs traitements, en particulier des cancers ORL ou digestifs (bouche, gorge, œsophage, estomac, pancréas).

Une perte de poids supérieure à 5% du poids habituel en un mois, ou supérieure à 10% du poids habituel en six mois, signe le diagnostic.

Il s'agit généralement d'une perte musculaire, qui peut donc aussi concerner des personnes en surcharge pondérale.

La prévalence de la dénutrition, tous cancers confondus, est de l'ordre de 40%. Dans le cas des cancers des voies aérodigestives, 60 à 90% des patients sont dénutris.

Ce trouble a plusieurs causes : une augmentation des dépenses énergétiques due aux perturbations du fonctionnement des cellules et à l'inflammation induite par la tumeur.

Mais aussi une baisse des apports alimentaires en raison d'une perte d'appétit liée aux réactions inflammatoires.

Les traitements peuvent aggraver l'amaigrissement en étant à l'origine d'une perte d'appétit, de troubles du goût ou du transit, de nausées...

Si le soutien nutritionnel est "hétérogène" en fonction des établissements de santé, "le dépistage intervient souvent trop tardivement

C'est un cercle vicieux car la dénutrition est susceptible de gêner ou d'empêcher le protocole de soin en augmentant sa toxicité et le risque de complications postopératoires.

A pathologie égale, un patient dénutri a ainsi un risque de mortalité plus important qu'un patient qui ne l'est pas.

Pour prévenir la dénutrition, une semaine nationale sur ce thème est organisée depuis vendredi 18 novembre pour la troisième fois, avec le soutien du ministère de la Santé.

"La dénutrition diminue les chances de pouvoir faire un traitement oncologique complet", souligne Paméla Funk-Debleds, gastro-entérologue et spécialiste de nutrition au centre Léon Bérard, à Lyon.

Si le soutien nutritionnel est "hétérogène" en fonction des établissements de santé, "le dépistage intervient souvent trop tardivement : or il doit se faire en même temps que la prise en charge oncologique, et ce dès le début", estime-t-elle.

Un avis unanimement partagé par les spécialistes : "dans le traitement du cancer, il faut que la dénutrition fasse partie du diagnostic initial afin d'en mesurer la gravité et de la combattre dès que possible", souligne Emmanuel Ricard, délégué à la prévention de la Ligue contre le cancer.

Si la dénutrition est modérée, des conseils diététiques avec un suivi régulier peuvent suffire. Si elle est sévère, des compléments alimentaires ou une nutrition artificielle, par sonde, peuvent s'avérer nécessaires.

"C'est quasiment le seul paramètre sur lequel on peut intervenir avant les traitements", met en avant Bruno Raynard, chef du service de diététique et de nutrition au centre Gustave Roussy de Villejuif.

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Mais, aujourd'hui, "il n'y a pas assez de diététiciens dans les établissements qui font de la cancérologie", déplore-t-il.

"Ce n'est pas encore reconnu comme un élément majeur de la prise en charge. Or, si on met en œuvre un traitement potentiellement efficace mais que la santé du patient est dégradée, on loupe quelque chose", estime-t-il.

Avec AFP

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