Covid 19 : la colère des médecins libéraux de Mayenne

Article Article

« On est en train de casser la courbe » se félicitait Olivier Veran lors de sa visite en  Mayenne le lundi 20 juillet. Des propos rassurants vite contredits. Quelques jours après, les indicateurs étaient dans le rouge et le département  toujours classé  en « vulnérabilité élevée ». L’épidémie est même repartie à la hausse après un semblant d’accalmie alors que les huit centres Covid du département sont fermés depuis le 10 juillet. Une fermeture décidée par l’ARS qui suscite colère et incompréhension chez les médecins libéraux mayennais.

Covid 19 : la colère des médecins libéraux de Mayenne

 La Mayenne fait partie des départements les plus touchés par l’épidémie. Le dernier bulletin épidémiologique de l’ARS publié le 24 juillet fait état d’un taux d’incidence, c’est-à-dire du nombre de cas positifs sur 100000 habitants de 110,7 sur les 7 jours glissants pour une moyenne régionale de 14,2 et d’un taux de positivité à savoir le nombre de tests positifs sur 100 tests réalisés de 3,8 pour une moyenne régionale de 1,9. La Mayenne compte désormais 12 clusters dont six en cours d’investigation. La courbe est loin de s’aplatir !
C’est tout le littoral atlantique qui est touché comme le montrent les chiffres de la Bretagne et de la Nouvelle Aquitaine. La situation inquiétante de la Mayenne trouve son explication dans la présence d’un grand nombre d’abattoirs. « On a eu jusqu’à des taux de   98% parmi les personnels traitant les  boyaux, des travailleurs précaires d’origine guinéenne en majorité. Les tests n’ayant pas été réalisés rapidement, l’épidémie s’est essaimée à partir de ces foyers de départ », nous déclare le Dr Luc Duquesnel le président de la branche généraliste de la CSMF qui exerce en Mayenne. 

Un dispositif de soins primaires exemplaire

Le département de 300 000 habitants fait pourtant partie de ces territoires ou la médecine libérale s’est très tôt organisée pour faire face à l’épidémie en s’appuyant sur son dispositif de permanence des soins.
«  Très vite quand on a vu l’ampleur que prenait l’épidémie dans le Grand Est, une réflexion s’est vite engagée sur l’organisation à mettre en place à la fois pour éviter des contaminations croisées et nous protéger nous-mêmes. On s’est intégré à l’organisation départementale qui s’est mis en place » rappelle Le Dr Romaric André, un jeune médecin généraliste installé à Evron qui partage son activité entre l’hôpital local et un cabinet de groupe.
Calqués sur la cartographie des maisons médicales de garde, huit centres vont quadriller le département à partir de la mi-mars ; certains seront accolés à une maison de garde médicale existante, d’autres installés dans des locaux mis à disposition par des communes.
La régulation libérale qui existait déjà aux heures de permanence (nuit et week-end) a été étendue de 8 h à 20 h tous les jours de la semaine. Les cas étaient orientés sur les centres Covid ou les patients étaient en général pris en charge par un couple médecin/infirmier(e) de 8 h à 20 heures. « Les patients étaient vus par le médecin du centre. Le médecin traitant du patient était informé le lendemain afin que le suivi soit assuré. À partir du déconfinement tous les patients ont été testés et notre organisation a aussi pris en charge le remplissage de la fiche « contact covid » pour tous les patients y compris ceux n’ayant pas de médecin traitant grâce à un pool de 25 médecins généralistes volontaires » indique le Dr Duquesnel. » Nous avons joué le rôle de médecin traitant pour les patients qui n’en avaient pas », rappelle le Dr Tiphaine Heurtault, installée depuis neuf ans, qui a eu la responsabilité du centre du secteur de la ville de Mayenne. C’était le cas de nombre de patients notamment les travailleurs guinéens des abattoirs ! « Par-delà le Covid, on a bâti un système prenant en charge les patients sans médecin traitant », témoigne avec  amertume le Dr Heurtault. « Nous avions réussi à gommer les inégalités de prise en charge entre les patients qui n’avaient pas de médecin traitant, ceux dont le médecin était en vacances et ceux qui n'en avaient pas » renchérit le Dr André. 
Tout ce beau dispositif s’est arrêté le 10 juillet ! «Le 25 juin, nous avons été extrêmement surpris d’apprendre que l’ARS estimait qu’il n’était plus nécessaire de maintenir les centres Covid ! Or, nous avions proposé une nouvelle organisation compte tenu de la réduction des effectifs, lors des mois d’été. Nous sommes passés de la stupéfaction à la colère ». Ce qui explique le boycott de la visite d’Olivier Veran par les médecins libéraux.  « Devant la flambée de l’épidémie l’ARS a souhaité le 3 juillet qu’on réactive 3 centres, mais nous  n’étions plus en mesure de le  faire » rappelle le Dr Duquesnel.

10 juillet : clap de fin

Les médecins étaient de ce fait invités à consulter désormais dans leur cabinet. Afin de réduire les risques de contamination, les patients sont désormais orientés vers les services d’urgence. Depuis la mi-juillet, le résultat, c'est l’embolie du centre 15, la surcharge des services d’urgence et surtout l’absence de suivi des patients sans médecin traitant.
L’ARS que nous avons interrogée justifie la fermeture des centres par la fin de l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire. Elle préfère désormais consacrer toute son énergie dans la campagne de dépistage massif en s’appuyant sur des ressources venant de la réserve sanitaire, d’établissements hospitaliers de départements voisins, de la Croix-Rouge, des pompiers…En laissant à nouveau de côté les libéraux ! De quoi alimenter beaucoup de frustrations à l’heure du Ségur de la Santé !
 
 
 
 

Les gros dossiers

+ De gros dossiers