Cousu de clown blanc

Article Article

Critique de Sur un fil, de Reda Kateb (sortie le 30 octobre 2024).

 Jo, jeune acrobate circassienne, se retrouve clouée sur la terre ferme suite à une mauvaise chute pendant un numéro. Aux abois, elle accepte de tenter sa chance comme clown hospitalier. Elle va se rendre compte que cet art repose lui aussi sur un sacré talent d’équilibriste…

Cousu de clown blanc

Aloïse Sauvage dans Sur un fil de Reda Kateb.

© DR.

Malgré l'évidente tendresse de Reda Kateb pour le monde hospitalier et les arts du cirque, que l'on ressent constamment, son premier film reste coincé dans ses bonnes intentions. 

La première scène est éloquente, réalisée avec une maestria folle, sur fond de musique hypnotique, avec une Aloïse Sauvage incroyablement charismatique. Un numéro de cirque à la sauce Titane, qui démontre une soif de cinéma indéniable. Puis...patatras, après la chute, plus rien. L'artiste Jo, clouée dans son fauteuil et dans la grisaille d'une ville de banlieue, n'est que bougonnerie. Pas de drame pourtant : miraculée, elle pourra remonter sur son fil dans quelques mois. Mais en attendant, faut bien bouffer : alors, pourquoi pas clown ? Et tant pis si elle a des béquilles, et n'est vraisemblablement pas prête.

Le problème principal de Sur un fil est d'être, à l'image de son héroïne, constamment empêché. Il boitille, hésite, dans un sur place qui devient presque gênant, sans enjeu dramatique réel, cloué par sa volonté de donner à voir mais échouant à bien montrer. A sa décharge, s'il y a bien deux choses extrêmement difficiles à filmer, ce sont l'enfance et les numéros de clown. Alors, si en plus la clown en question est débutante et son corps entravé...

« L'hôpital est un collectif qui ne se résume ni à une médecin courageuse d'implication ni à un bambin, si adorable soit-il.. »

C'est ainsi que les séquences pédagogiques sur le métier de clown hospitalier, souvent expédiées et peu fouillées - choix de montage, alors que la fondatrice du Rire Médecin a participé au scénario ? -, font bégayer l'intrigue plutôt que de l'approfondir. Mais, surtout, la principale faute de Reda Kateb est, dans un service d'oncopédiatrie, de ne pas réellement filmer les enfants et le personnel. Quasiment muets, laissés hors champ, écrasés par une musique répétitive, ils ne peuvent participer à retranscrire l'atmosphère singulière voire unique de ces unités. L'hôpital est un collectif qui ne se résume ni à une médecin courageuse d'implication ni à un bambin, si adorable soit-il, sur lequel repose l'entièreté de l'émotionnalité qui semble avoir voulu être véhiculée. 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/les-clowns-du-rire-medecin-apportent-quelque-chose-de-doux-et-de-drole-un-endroit-ou-ce

A un moment du film, le clown Poireau interpelle Jo en lui demandant pourquoi elle est si solitaire, et pourquoi il ne sait rien d'elle. C'est un peu ce que l'on ressent , à l'issue de ce film qui a vraisemblablement été pensé comme choral, à l'image de ce que peuvent produire Toledano et Nakache, chez qui Reda Kateb est passé et a puisé, plus que chez Thomas Lilti, un autre de ses metteurs en scène, son inspiration : une volonté de traduire cette solidarité, de faire vivre une communauté, mais au final un ressenti d'extrême solitude. De ces gens, l'on saura bien peu. Le scénario, expédié, et la volonté documentaire, limitée, ne peuvent hélas nous aider à en avoir davantage envie.

Aucun commentaire

Les gros dossiers

+ De gros dossiers