Contention et isolement illégaux, scolarité sacrifiée... Il faut immédiatement changer les conditions d'hospitalisation des enfants en psychiatrie

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Les droits des enfants hospitalisés en psychiatrie sont gravement bafoués, notamment par l’usage de contention et d’isolement. Ils doivent, à ce titre, être urgemment garantis, en créant un statut spécial accompagné d’un plan national de réhabilitation de la pédopsychiatrie, selon la contrôleure générale des lieux de privation de liberté.

Contention et isolement illégaux, scolarité sacrifiée... Il faut immédiatement changer les conditions d'hospitalisation des enfants en psychiatrie

© Midjourney x What's up Doc

 

La prise en charge actuelle des enfants admis en soins psychiatriques – le plus souvent pour une hospitalisation demandée par les parents ou découlant d’une décision de justice – entraîne « de nombreuses et graves atteintes à leurs droits fondamentaux » (garantis par la Convention internationale des droits de l’enfant et le Code de la santé publique), estime Dominique Simonnot dans un avis datant du 6 octobre et publié jeudi au Journal officiel.

52 000 enfants âgés de 4 à 17 ans étaient hospitalisés en psychiatrie en 2023, selon l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH).

Basé sur de « nombreux signalements » et des visites d’établissements, l’avis appelle à faire « cesser sans délai » les atteintes subies par les enfants ayant besoin de soins de santé mentale, qu’elles résultent d’un « délabrement de certains services hospitaliers » ou de « l’approche inadaptée de certains professionnels ».

Isolement massif et injustifié

Pourtant circonscrit par le législateur aux soins sans consentement – très rares pour les enfants, majoritairement hospitalisés pour des « soins libres » –, l’isolement des mineurs fait en effet l’objet d’un « recours massif ».

Car un placement de mineur ordonné par un juge ne constitue pas nécessairement une hospitalisation sans consentement. Celle-ci n’est possible que dans deux cas : lorsque les troubles mentaux d’un mineur compromettent la sûreté des personnes ou portent gravement atteinte à l’ordre public, et lorsqu’il a été déclaré irresponsable pénalement pour cause de trouble mental.

Qu’ils soient hospitalisés en soins libres ou sans consentement, les enfants se retrouvent souvent pris en charge selon des modalités « nullement justifiées par leur état clinique », « par des équipes insuffisamment formées, surchargées ou désemparées », du fait d’une « grave crise de la pédopsychiatrie », et souffrent « de nombreuses restrictions à leurs droits ».

Parmi des adultes

Parfois admis, faute de places dédiées, dans des unités pour adultes, ils peuvent être « hébergés à temps complet en chambre d’isolement » – quelquefois dépourvues de bouton d’appel –, « pour de longues durées », les soignants n’étant « pas en mesure, faute de moyens, de les surveiller et de les protéger des adultes ». Cette privation de liberté est pourtant illégale hors du cadre des soins sans consentement.

« Respect rarement assuré » de la volonté des enfants – jamais consultés sur les règles de vie imposées (privation de téléphone portable, rares visites autorisées…) –, absence de protection contre les violences liées à l’hospitalisation avec des adultes, contention, etc. : les atteintes graves aux droits des jeunes patients sont nombreuses. Et l’hospitalisation équivaut à un « quasi abandon » de la scolarité.

Si nombre de soignants déplorent ces situations liées à un manque de moyens matériels et humains, certains arguent du caractère thérapeutique de l’isolement et de la contention, ce que ne justifie « aucune donnée probante », selon la contrôleure. Ils se voilent aussi la face, juge-t-elle, par des « artifices de langage » comme d’appeler « chambre de soins intensifs » une chambre d’isolement, faisant ainsi « passer la contrainte pour un soin ».

Contentions toute la journée

En visitant des établissements, Dominique Simonnot a notamment trouvé « un enfant de 12 ans isolé une journée entière », d’autres « subissant des contentions pouvant durer plus d’une journée », rapporte l’avis.

Or « les mesures d’isolement et de contention prononcées à l’égard de mineurs en soins libres ne sont pas soumises au contrôle du juge, dès lors qu’elles ne sont pas censées exister », et elles ne peuvent pas être contestées par le mineur, dont les droits ne sont de fait « presque jamais garantis », dit l’avis.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/un-hopital-de-dijon-condamne-pour-des-mesures-disolement-et-de-contention-jugees-illegales

Pour remédier à ces graves abus, conclut la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, les pouvoirs publics doivent instaurer un « statut légal du mineur hospitalisé en psychiatrie », interdire expressément l’isolement et la contention des mineurs et donner aux établissements « les moyens d’offrir » aux enfants « une prise en charge adaptée à leurs besoins médicaux et éducatifs particuliers ».

Avec AFP

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