Concours de l'internat : quand les internes faisaient le tour de France

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Imaginez passer quatre ECN par an… c’était le cas avant 1982, lorsque chaque hôpital organisait son concours. Retour sur un temps o`u les carabins, comme les hirondelles, s’égaillaient au printemps.

Concours de l'internat : quand les internes faisaient le tour de France

« A l'époque, il y avait les concours des hôpitaux universitaires, très élitistes, mais aussi ceux des hôpitaux périphériques, moins courus », explique Anne-Chantal Hardy, direc­trice de recherche en sociologie à l’université de Nantes. « Sans compter l’internat des Quinze-Vingts, en ophtalmologie, ou encore l’internat de psychiatrie… »

« Chaque printemps, il y avait une transhumance de tous les internes qui partaient en voiture passer les concours », se souvient quant à lui le Pr François Richard, chef du service d’urologie de la Pitié jusqu’en 2009. Lui-même a sillonné les routes de France de 1967 à 1970 : Paris bien sûr, mais aussi Rouen, Tours, Nantes ou Lille…

Chausse-trappes et combinazione

Si les ECN n’ont rien d’une sinécure, le par­cours « ancien régime » tenait de l’ascension du mont Calvaire. Il fallait d’abord se dégoter une écurie : un groupe de travail qui, via les fameuses conférences de l’internat, offrait une prépa­ration intensive. « Ça marchait au knout, au bout de deux conf’ manquées on sautait », se rappelle Fran­çois Richard.

À la fin des études, chaque impétrant disposait de quatre ans pour tenter tous les internats de France et de Navarre. « La première année, tout le monde ou presque était collé », explique l’urologue, qui a lui-même décroché l’internat de Paris au bout de quatre tentatives. Il faut dire que le taux de réussite avoisinait alors les 10 %.

Qui dit concours régional dit aussi rivalités. Entre les grandes facultés, comme Paris, Lyon ou Marseille, tous les coups étaient permis : depuis les plans falsifiés pour égarer les non-locaux, jusqu’aux signaux de re­connaissance codés entre étudiants et relecteurs d’une même écurie. Les Parisiens en étaient souvent pour leurs frais lorsqu’ils s’aventuraient en province…

La fin (provisoire ?) des régions

Ce système instaurait aussi un hiatus dans la formation des spécialistes, avec d’un côté l’internat, axé sur la pratique hospitalière, et de l’autre les certificats d’études spécialisées (CES), plus théoriques et universitaires. « Un cardio­logue pouvait aussi bien être formé par l’internat que par le CES », résume Anne-Chantal Hardy.

En 1982, au début de la présidence Mitterrand, les concours hospitaliers furent remplacés par un concours national… divisé en zones Nord et Sud – une façon de consacrer le statut à part de Paris. Cette par­tition du territoire qui perdurera jusqu’en 2004, avec l’instauration des ECN.

Aujourd’hui, sous l’impulsion de l’Ordre, la question de la régionalisation des ECN semble revenir au goût du jour. Objectif affiché : mieux maîtriser la démographie médicale. Verra-t-on à nouveau la migration saison­nière des carabins ?

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