Comment l'Inde réduit ses émissions de gaz à effet de serre dans la chirurgie de la cataracte

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À niveau de qualité égal, les émissions de gaz à effet de serre induites par la chirurgie de la cataracte peuvent varier de 1 à plus de 20 selon l’endroit où elles sont pratiquées. C’est ce qu’affirment les auteurs d’une étude prenant le cas de deux hôpitaux ophtalmologiques indiens comme référence.

Comment l'Inde réduit ses émissions de gaz à effet de serre dans la chirurgie de la cataracte

Imaginez que vous prenez votre voiture pour un trajet de 23 kilomètres. Vous émettrez alors l’équivalent de 6 kg de CO2. Maintenant imaginez qu’avec le même véhicule, vous parcouriez 500 kilomètres. Les émissions seront alors de 130 kg de CO2. Cette différence est exactement la même que celle qui existe entre les émissions de gaz à effet de serre induites par une chirurgie de la cataracte par phacoémulsification pratiquée dans un hôpital ophtalmologique indien, et celles de la même opération pratiquée dans un établissement britannique. Le tout sans rogner sur la qualité des soins.

Tels sont les résultats d’une étude publiée l’année dernière dans le Journal of Cataract and Refractive Surgery par une équipe de chercheurs indiens et américains. Ceux-ci ont pris pour point de référence deux établissements d’Aravind Eye Care System, un groupe indien d’hôpitaux ophtalmologiques réputé pour son usage des technologies de pointe (il en a déjà été question dans nos colonnes à propos d’intelligence artificielle). En analysant le matériel utilisé, les procédures, les données comptables et en comparant avec une étude antérieure portant sur les émissions carbone pour la cataracte au Royaume-Uni, ils ont donc abouti à cette différence abyssale de 1 à plus de 20.

Sus à l’usage unique

Quel est donc le secret des Indiens ? D’après les auteurs, il y en a deux. Ce qu’ils appellent une « approche à haut volume », d’abord, qui permet d’optimiser l’utilisation du matériel et donc de minimiser les émissions par opération. Mais surtout, les hôpitaux d’Aravind ont misé sur le matériel réutilisable, contrairement aux établissements britanniques qui utilisent largement du matériel à usage unique. Un travers qui n’a d’ailleurs rien d’une spécificité de nos amis d’outre-Manche.

« Le problème des hôpitaux modernes, c’est qu’on y a généralisé l’usage unique sans jamais montrer les effets en termes de coût financier et de coût carbone », commente le Dr Jane Muret, présidente du groupe « développement durable » de la Société française d’anesthésie-réanimation (Sfar). On peut d'ailleurs noter que ce groupe multidisciplinaire, qui va bien au-delà de l’anesthésie-réa, a notamment publié un guide du développement durable au bloc.

Bien trier, c’est bien soigner

Mais selon Jane Muret, l’usage unique n’est qu’un des leviers que l’on pourrait utiliser pour réduire l’impact écologique d’une procédure chirurgicale aussi fréquente que la chirurgie de la cataracte. « On trie très mal en France », regrette par exemple l’anesthésiste. Trop de déchets vont en effet selon elle dans la filière des Déchets d’activité de soins à risque infectieux (Dasri), et sont donc non valorisables. « La règle n’est pas de mettre dans les Dasri tout ce qui touche le patient, mais tout ce qui peut être infecté », rappelle Jane Muret à toutes fins utiles.

Reste qu’imiter en tout point les hôpitaux d’Aravind pourrait s’avérer relativement compliqué. « La plupart des pays développés font face à de grandes contraintes en matière de réglementation », pointent les auteurs de l’étude américano-indienne, qui notent cependant les progrès réalisés en la matière par certains établissements aux États-Unis. Et comme le fait remarquer Jane Muret, les changements écologiques à l’hôpital sont souvent impulsés par les équipes, et non par les directions. N’y voyez là aucun message.

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