© Nicolas Villenet
What’s up Doc : Quel a été votre parcours ?
Nicolas Villenet : À la fin de mon internat, j’ai d’abord exercé en tant qu’urgentiste de 2005 à 2011. Je suis ensuite devenu médecin en ARS en tant que conseiller puis en tant que directeur territorial jusqu’en 2020.
Pendant la pandémie de Covid, j'ai été le conseiller santé du ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu. Et depuis 2022, je suis médecin coordinateur d'un centre de santé pour l'intercommunalité Ardennes-Rives-de-Meuse.
J’ai pu accéder à ces postes grâce à un master en gestion et politiques de santé de Sciences Po Paris que j’ai réalisé entre 2011 et 2012.
« On m'a donné carte blanche pour trouver une solution et faire venir des médecins. »
Qu'est-ce qui vous a motivé à reprendre les études alors que vous étiez déjà urgentiste ?
N.V. : Je voulais avoir un impact plus important. J’adore la médecine d’urgence, c’est pour cela que je continue à l’exercer en tant que réserviste pour le service de service de santé des armées. Mais, la santé publique permet d’intervenir sur l'organisation des soins et des établissements. En y contribuant, j’agis directement sur l'accès aux soins.
Comment a débuté cette « success-story ardennaise » comme vous l'appelez ?
N.V. : En janvier 2023, j'ai reçu un appel du président de l'intercommunalité Ardennes-Rivières-de-Meuse m’expliquant qu'il constatait une dégradation de l'accès aux médecins depuis 10 ans. Malgré ses tentatives pour augmenter l’offre de soin dans le territoire, rien ne changeait.
Concrètement, sa proposition était de me donner carte blanche pour trouver une solution et faire venir des médecins.
Quel constat avez-vous fait ? Pourquoi les médecins ne venaient pas ?
N.V. : Comme dans beaucoup d’endroits en France, il y a une baisse importante du temps médical disponible. Et plus particulièrement, les Ardennais n'ont pas trop la culture de la mise en valeur de leur territoire, ce qui ne pousse pas les médecins à s’y installer.
Mon livre raconte tout ce qui a été mis en place pour changer cette situation. Il répond à une question bien précise : « Comment faire venir (et rester) des médecins sur un territoire qui en manque cruellement ? »
Et, ce qui a été fait dans les Ardennes, peut être réalisé ailleurs. C’est pourquoi on peut considérer ce travail comme un « guide pratique » à destination des acteurs de santé, des élus locaux et des soignants.
Dans votre livre, vous racontez avoir rédigé un projet, avoir étudié sur la région, multiplié les rencontres avec des étudiants, etc. C’est un travail prenant qui demande de s'y consacrer à temps-plein pour réussir ?
N.V. : Complètement. Dans mon cas, je m’y consacrais à 100 %. Déjà, il y a tout un volet administratif pour la création des statuts et l’organisation du centre de santé. C’est la partie la plus compliquée.
Puis, j’ai passé beaucoup de temps à contacter des médecins, des remplaçants, des internes. C’est prenant parce qu’il faut expliquer la démarche et convaincre.
Vous expliquez que le plus difficile à gérer était l’administratif. C’est-à-dire ?
N.V. : Les médecins sont aujourd’hui submergés par les tâches administratives. Toute organisation qui permet d’alléger cette charge les intéresse immédiatement.
Ensuite, du côté de la création de structure, le parcours est extrêmement complexe : il faut multiplier les démarches auprès de l’ARS, de la CPAM, du Conseil de l’Ordre, du service des impôts…
Chaque étape implique un nouvel interlocuteur et des procédures longues, avec une administration qui n’est pas toujours attentive aux porteurs de projets.
Dans mon cas, mon passage par l’ARS m’a beaucoup aidé : je connaissais le vocabulaire, les attentes, les codes. Cela a facilité la rédaction du projet de santé et l’obtention des autorisations.
Mon parcours m’a donné une forme de « traduction simultanée » : je parle le langage des médecins, celui de l’administration, et depuis que je suis député suppléant, celui des élus.
Pour lutter contre les déserts médicaux, il faut être très volontaire et polyvalent.
Être médecin aide, notamment pour gagner la confiance de ses pairs, mais ce n’est pas indispensable. Par contre, bien connaître le fonctionnement administratif est essentiel.
« Je pense que l'intercommunalité Ardennes-Rivières-de-Meuse ne sera plus un désert médical d’ici juin 2026 ! »
Aujourd'hui, pouvez-vous dire que le territoire sur lequel vous avez travaillé n’est plus un désert médical ?
N.V. : À ce jour, on peut affirmer avoir transformé ce désert médical en améliorant la situation. Mais, je ne peux pas dire que ce n’en est plus un. En revanche, la petite structure que nous avons créée se développe bien avec de plus en plus de médecins. Donc, je pense que l'intercommunalité Ardennes-Rivières-de-Meuse ne sera plus un désert médical d’ici juin 2026 !
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