De quoi s’agit-il ? A priori, cela pourrait tout simplement être le temps accordé aux soins, par opposition au temps administratif, de recherche et d’enseignement. Mais ce n’est pas si simple…
Concernant l’enseignement, par exemple, le Code de la santé publique1 stipule que : « le médecin partage ses connaissances et son expérience avec les étudiants et internes en médecine durant leur formation dans un esprit de compagnonnage, de considération et de respect mutuel. » Donner de son temps pour former est donc pleinement intégré à l’exercice. De même que le fait de se former. « Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés », nous impose le serment d’Hippocrate.
OK, donc former et se mettre à jour, ça fait partie du job. Mais concrètement, le temps de formation n’est pas toujours aisé à distinguer du temps clinique. Ainsi, dans ces conditions, peut-on considérer qu'il relève toujours du temps médical ? Why not…
« Lorsque l’on évoque cette notion de temps médical, c’est d’abord par opposition au temps administratif », explique Abdellah Hedjoudje, vice-président de l’Isni* en charge de l’Enseignement supérieur. Pour lui, ceux qui utilisent ce terme le font avant tout pour rappeler la nécessité de diminuer le temps administratif au profit du temps clinique.
Un temps médical variable
Sans véritable définition en soi, ce qui est considéré comme du temps médical varie selon le statut. Le rapport au travail diffère nécessairement selon que l’on se dirige vers une carrière hospitalo-universitaire ou libérale. « Pour les chefs de clinique, le temps médical comprend le soin, la recherche et l’enseignement », explique Laurent Gilardin, président de l’Inscaa**. Ainsi pour les chefs de clinique la difficulté n’est pas tant de définir le temps médical que de réussir à combiner leurs différentes missions. « Nous n’avons pas d’emploi du temps précis. Le soin accapare la majorité de notre temps, au détriment de la recherche et de l’enseignement », regrette le président de l’Inscaa. « Du fait de l’absence de texte précis à ce sujet, certains considèrent le chef de clinique comme un personnel médical à temps plein sur le site. Ce qu’il n’est pas », ajoute Alexis Lepetit, premier vice-président de l’Inscaa.
D’autres critères influencent la perception de ce qui relève du temps médical. « La notion de temps médical est essentielle dans le choix de la spécialité et du mode d’exercice », ajoute Laurent Gilardin. « Certaines spécialités sont plus en contact avec les patients et donc davantage dans le soin. C’est le cas des spés cliniques et de la chirurgie en opposition aux spécialités plus “techniques” comme la radiologie et la biologie médicale ». Ainsi, le temps médical qui est du temps clinique pour certains, sera défini autrement pour les médecins dont l’activité est plutôt technique.
Investir le non-médical pour optimiser le médical
Pour Étienne Minvielle, médecin de santé publique et professeur de management, les médecins ont principalement un travail de soin mais doivent faire face à un nouveau type d’activité, de plus en plus chronophage : les tâches administratives. « Elles envahissent leur quotidien. Qu’il s’agisse des libéraux avec la mise en place du Tiers Payant Généralisé ou des hospitaliers jonglant avec les demandes institutionnelles », remarque-t-il. Pourtant, le spécialiste du management est formel : ces tâches organisationnelles sont fondamentales dans la gestion du parcours du patient. « Dossiers non complets, absence d’examen de laboratoire, lecture de dizaines de fax d’informations… des études montrent que 15 à 20 % du temps des médecins hospitaliers est phagocyté par ces défauts d’organisation », ajoute Étienne Minvielle.
Que faire alors pour retrouver du temps médical ?
« Il faudrait pouvoir déléguer ces tâches administratives mais à l’hôpital, les postes de secrétaire se raréfient », déplore Alexis Lepetit. De son côté, Laurent Gilardin place ses espoirs dans la technologie. « Avec un dossier patient interconnecté, il nous serait possible de gommer toute la paperasserie administrative comme la rédaction des comptes rendus, leur correction et l’intégration des résultats d’examen », imagine-t-il.
Mais pour le médecin de santé publique, la solution est ailleurs : « Il faut reconnaître le contenu des tâches organisationnelles parmi le travail administratif, les objectiver beaucoup plus finement et sensibiliser les internes afin qu’ils développent des réflexes de management dans l’optique de gagner du temps. »
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*InterSyndicat national des internes / ** l’Inter Syndicat national des chefs de clinique et assistants
Source 1. Article R. 4127-68-1