Chercheurs MSCA : À la recherche des financements perdus

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Les chercheurs, financés par le programme européen MSCA, sont en mauvaise posture. Malgré l’interruption de leurs recherches pendant les confinements successifs, la Commission Européenne refuse de prolonger la durée de leurs contrats. Une décision ferme qui les pousse un peu plus dans la précarité.

Chercheurs MSCA : À la recherche des financements perdus

 « Je trouve ça totalement injuste ». C’est par ces mots, lâchés avec conviction, que la chercheuse Nathalie Conrad, dont les recherches sont financées par le programme européen Marie Sklodowska-Curie (MSCA), décide de qualifier la décision de la Commission Européenne de ne pas prolonger la durée des bourses MSCA. Cela, malgré l’interruption forcée des projets de recherche en raison de la crise sanitaire.  
 
Chaque année, 9 500 acharnés de travail obtiennent ce fameux Graal dispensé par l’Union Européenne. « Le taux d’acceptation est assez faible. Il est de l’ordre de 12 % », indique celle qui l’a décroché l’an dernier. Une fois leur projet ambitieux sélectionné, ces chercheurs – souvent doctorant ou post-doctorant – obtiennent une bourse afin de mener leurs recherches dans un autre pays européen. « Les contrats peuvent durer d’un à trois ans », indique la lauréate. C’est en octobre 2019 que cette jeune maman d’enfants en bas âge a eu le privilège de faire partie de ces rares élus. « J’ai proposé un projet sur les maladies cardiovasculaires », confie celle qui a alors quitté l’Angleterre pour la Belgique. Six mois après pourtant, la crise sanitaire donnait un sérieux coup de frein à ses recherches. « J’ai cinquante millions de dossiers médicaux à analyser. Je peux le faire de chez moi, mais la concentration nécessaire au traitement de ces données ne se concilie pas avec l’attention permanente exigée par mes enfants », livre-t-elle. Si Nathalie Conrad a vu son projet de recherche être mis à mal par sa progéniture, d’autres chercheurs ont simplement vu leurs universités ou laboratoires fermer leurs portes. Sans oublier ceux qui ont choisi de prêter leur expertise aux agences de santé et aux hôpitaux mobilisés dans la lutte contre le Covid-19.
 
Pour la Commission Européenne pourtant, pas question de prolonger la durée des contrats de financement. Un refus ferme qu’elle motive par le cadre législatif qui ne permettrait pas une extension de financement selon elle. La seule exception qui a été faite concernait des travaux directement liés à la lutte contre le Covid-19. « Cette épidémie a fait un million de morts. C’est grave. Mais les maladies cardiovasculaires : c’est dix-huit millions de morts par an », s’indigne la chercheuse. À la place, la Commission Européenne a proposé une enfilade de solutions qui sont loin d’avoir convaincu les principaux intéressés. Mettre en pause ses recherches, et de fait le versement du cachet de la commission européenne. « Ceux qui ont acceptés se retrouvent dans une situation difficile car ils vivent sans salaire depuis », explique Nathalie Conrad. Solliciter les allocations sociales du pays d’accueil.  « Ça ne marche pas par le principe même de la bourse MSCA qui est d’envoyer les gens d’en un autre pays que le leur ! On se retrouve sans filet social », indique la chercheuse. Demander un financement de la part des universités d’accueil, souvent dépositaires d’un budget serré. « Elles ont choisi de privilégier leurs chercheurs », poursuit Nathalie Conrad. Récupérer l’argent dédié à l’équipement pour se payer quelques mois de salaires. « L’argent a souvent déjà été dépensé », indique la spécialiste. Des arguments qui laissent pourtant insensible la Commission Européenne, bien décidée à rester ferme sur ses positions.
 
« Je ne vais pas réussir à finir tout mon projet », déplore la chercheuse qui verra sa bourse prendre fin dans dix mois. « C’est vraiment dramatique pour mes recherches, mais aussi pour ma carrière ». Que ce soit pour l’obtention de nouveaux financements ou d’un poste de professeur, le profil de ces chercheurs - pourtant jugés prometteurs par la Commission Européenne - ne suscite en effet aucun intérêt en l’absence de publication scientifique. « Ça ne vaut même pas la peine d’essayer », indique Nathalie Conrad qui s’estime pourtant chanceuse. « Je ne suis pas à la rue, je n’ai pas fait de dépression, j’ai encore un salaire », énumère-t-elle. Et cette mère de deux enfants de tempérer : « Mais j’aurais forcément une période sans salaire entre ce poste et le prochain ».  
 
Pour tenter de se faire entendre, une poignée de chercheurs ont lancé une pétition déjà signée par 1 600 personnes. « Notre demande est simple : obtenir un fonds d’urgence pour aider les chercheurs à terminer leurs recherches. », indique Nathalie Conrad qui s’est également fendue d’une lettre à l’intention de la Présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen. Et de continuer à alerter : « Plus nous attendons, plus nous détruisons des carrières de chercheurs »
 

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