En juin 2021, au plus fort de la pandémie, le président Emmanuel Macron avait annoncé un plan de plusieurs milliards d'euros pour promouvoir l'innovation en santé, ainsi que des mesures pour relocaliser la production de certains médicaments vitaux.
Des annonces en grande pompe, qui avaient alors été saluées par le secteur. Un an plus tard, la lune de miel est bel et bien terminée, le projet de loi de Sécurité sociale pour 2023 focalisant l'ire des laboratoires.
"Ce qui est en train de se passer est extrêmement grave : les investissements qui ne seront plus faits auront un impact à court, moyen, et long terme. D'où notre alignement total aujourd'hui" entre laboratoires, a martelé jeudi Audrey Derveloy, la présidente de Sanofi France, lors d'une conférence de presse organisée par le Leem, la fédération des entreprises du médicament.
Au cœur du divorce entre gouvernement et laboratoires, le montant des économies en 2023
Pour l'occasion, chose rare, de nombreux patrons de laboratoires installés dans l'Hexagone, japonais, américains ou français, se sont exprimés, regrettant un "revirement" par rapport aux annonces du président Macron en 2021.
Au cœur du divorce, le montant des économies qui devront être faites sur le remboursement des médicaments en 2023.
Soit 1,1 milliard d'économies, selon les comptes du gouvernement. Ces économies pour l'Assurance maladie s'articuleront autour de 900 millions d'euros de baisses de prix négociées, un mécanisme par lequel les laboratoires pharmaceutiques consentent des baisses à l'Etat lors de négociations confidentielles.
S'y ajouteront 200 millions d'euros, sous forme de contributions cette fois, liées à la "clause de sauvegarde". Ce système complexe prévoit que les laboratoires versent une contribution à l'Assurance maladie lorsque leur chiffre d'affaires en France dépasse un niveau fixé par la loi de financement de la Sécu.
Des économies "importantes pour l'équilibre du budget", a indiqué la rapporteure du PLFSS, Stéphanie Rist.
Stéphanie Rist, des discussions sont en cours sur la clause de sauvegarde
Pour le Leem, le compte n'y est pas. Selon ses prévisions, les dépenses de l'assurance maladie en médicaments remboursables devraient atteindre environ 28 milliards d'euros l'an prochain, plus que les estimations du gouvernement. Les laboratoires estiment qu'ils devront au total verser à l'Etat --via les remises et la clause de sauvegarde-- quelque 3,5 milliards d'euros, et non 1,1 milliard.
Un effort qu'ils jugent trop important pour permettre le financement des innovations thérapeutiques --onéreuses--.
La députée Renaissance Stéphanie Rist indique que "des discussions sont en cours sur la clause de sauvegarde".
Autre point de discorde : l'article 30 du PLFSS, qui prévoit la mise en place d'un système de "référencement" de médicaments. Ce mécanisme consistera à référencer (et rembourser) quelques médicaments seulement pour une classe thérapeutique donnée, et donc à dérembourser ceux qui n'ont pas été retenus.
Devant les protestations des groupes pharmaceutiques, le ministre délégué à l'Industrie Roland Lescure a annoncé que cette procédure serait transformée en "simple expérimentation". "Même à titre expérimental, une telle mesure est inacceptable", a réagi hier le président pour la France du géant du générique Teva, Jean-Louis Anspach.
"Les risques qui en découlent sont bien supérieurs aux économies que ce système pourrait générer", a-t-il estimé, assurant que cette mesure aboutira à une raréfaction de l'offre de médicaments disponibles.
Les laboratoires prédisent des problèmes d'approvisionnement, d'autant que l'inflation a des répercussions non négligeables pour les fabricants de médicaments génériques.
Conséquence : à court terme, le paracétamol codéiné ou encore le chlorure de potassium pourraient être concernés, avertit Karine Pinon, présidente de l'Association des moyens laboratoires et industries de santé (Amlis). "Les producteurs pourraient arrêter d'ici à la fin de l'année".
Avec AFP