Brigitte Godard, médecin des astronautes

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Elle pensait devenir astronaute... et puis finalement pas

Brigitte Godard, médecin des astronautes

Ils ne sont pour le moment que trois en Europe, et le Dr Brigitte Godard en fait partie. Les médecins du CNES (Centre national des études spatiales, ndlr), sont les garants de la santé des astronautes européens. Ils s’assurent de leur bonne santé et de leur survie en milieu hostile. Rencontre.

 

What’s up Doc. Comment devient-on médecin pour astronautes ?

Brigitte Godard. D’abord, il faut être passionnée ! Depuis toute petite, j’ai été fascinée par l’astronomie, et plus largement, par tout ce qui vole. Plus tard, c’est en voyant Claudie Haigneré, rhumatologue, sélectionnée par le CNES , que je me suis dit « c’est possible de bosser dans le spatial » ! Et tant pis si il s’agit de faire le ménage dans les navettes !

WUD. Et comment passe-ton du rêve à la réalité ?

BG. Je pensais d’abord devenir astronaute, mais je me suis finalement lancée dans les études médicales, qui étaient mon second choix. Lorsque j'ai commencé à travailler pour le MEDES (Institut de médecine et de physiologie spatiale, et filiale du CNES, ndlr), j'ai d'ailleurs tenté la sélection pour devenir astronaute. J'ai passé la première étape mais pas la seconde. 

WUD. Vous avez donc bien fait de rester sur les études de médecine !

BG. Oui ! À l'époque, il n’y avait d'ailleurs pas de diplôme spécifique pour la médecine du spatial. Il fallait un peu de pratique. Je suis médecin biologiste, mais j’ai dû me former au pilotage. Il faut également avoir des notions de microgravité. Il existe d’ailleurs maintenant une capacité de médecine aéronautique et spatiale pour préparer à tout ça !

WUD. Et dans la pratique, que fait un « médecin des astronautes » ?

BG. Il y a deux grands aspects distincts dans mon métier : un côté très « médecin-patient », et un côté un peu plus « technicité de la station ». Pour cette première partie avec mon patient, c’est un suivi sur le long terme. Un astronaute m’est assigné, généralement deux ans avant son vol. On étudie d’abord son dossier médical de façon extrêmement minutieuse. Il faut être très attentif, car le moindre petit problème peut prendre des proportions démesurées dans l’espace. Si je trouve quelque chose, je me dois de faire des examens complémentaires pour rassurer les partenaires. C’est fastidieux, mais il ne faut pas oublier qu’un projet spatial implique des investissements phénoménaux et que le moindre soucis peut générer d’importantes pertes. Il faut savoir que, pour s’assurer d’être choisis, certains candidats cachent des problèmes de santé que nous découvrons par la suite.

WUD. J’imagine que vous ne vous contentez pas de simples examens de routine...

BG. En plus du suivi de routine, nous avons un rôle d’accompagnement primordial : lorsque notre astronaute part s’entraîner, nous le suivons pour vérifier toutes les réponses physiologiques aux différents tests. Il y a par exemple les simulations de sortie extra-véhiculaires. Je pars d’ailleurs à Houston la semaine prochaine pour que mon astronaute, Thomas Pesquet, s’y entraîne. Il sera immergé dans une piscine pour recréer une situation de sortie de navette.

WUD. Et quand les astronautes partent en mission ?

BG. Nous restons sur Terre, mais nous sommes en relation constante avec eux. Nous avons une conférence médicale privée pendant quinze minutes une fois par semaine pour faire un point physio et émotionnel avec l’astronaute. Un psychologue les accompagne et les astronautes bénéficient d’une séance une fois toute les deux semaines.

WUD. Et pour l'aspect plus technique dont vous avez parlé tout à l'heure ?

BG. Comme nous accompagnons l’astronaute, nous devons apprendre les protocoles comme lui, pour connaitre le fonctionnement de la navette ou du module afin de l’assister au mieux. Par ailleurs, je peux recevoir des analyses de l’environnement, de type teneur en gaz, niveau sonore, etc. Je dois tout analyser avec les ingénieurs pour vérifier si les seuils ne sont pas dépassés.

WUD. Et le retour sur terre ?

BG. Sur terre, c’est un autre travail qui commence. Vous savez, l’espace use les corps. Lorsque nos astronautes reviennent, ils sont fatigués, ils ont des problèmes liés à leur masse musculaire et osseuse. Il leur faut entre six mois et un an pour s’en remettre, parfois plus. Le corps s’adapte très bien et rapidement dans l’espace mais le retour sur Terre demande plus de temps car la gravité est vraiment un boulet … plus facile à oublier qu’à réapprendre.

Source:

Johana Hallmann

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