« Voici les nouvelles recommandations à connaitre dans la prise en charge thérapeutique, curative et préventive du VIH », Dr Thibault Chiarabini, infectiologue

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25 % des séropositivités sont découvertes à un stade avancé de l’infection, la HAS alerte donc sur les diagnostics tardifs d’infections par le VIH. Dans ce contexte, elle propose une actualisation des recommandations sur la prise en charge thérapeutique, curative et préventive du VIH. Ces nouvelles directives, élaborées avec le Centre des maladies infectieuses émergentes de l'Inserm (ANRS) et le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS), s'adressent avant tout aux professionnels de santé. Elles couvrent les traitements préventifs pré- et post-exposition, les spécificités gynéco-obstétriques et pédiatriques, ainsi que la gestion des complications liées aux infections associées. Pour détailler ces nouvelles recommandations, Wh’at’s up Doc a interrogé le Dr Thibault Chiarabini, il est infectiologue à l’hôpital Saint-Antoine et au Centre Gratuit d'Information, de Dépistage et de Diagnostic (Cegidd).

« Voici les nouvelles recommandations à connaitre dans la prise en charge thérapeutique, curative et préventive du VIH », Dr Thibault Chiarabini, infectiologue

© Midjourney x What's up Doc

What’s up Doc : quel est le rôle du médecin généraliste, parmi les nouvelles recommandations, dans le parcours de soin du patient ?

Dr Thibault Chiarabini : Le médecin généraliste a le rôle de chef d’orchestre entre les spécialistes et le renouvellement des ordonnances. A terme, l’objectif est la consultation du spécialiste une fois par an dans le cas de bonne observance.

Concernant la PrEP (pre-exposure prophylaxis en anglais ou prophylaxie pré-exposition en français). Le médecin généraliste peut l’initier et la suivre.  Néanmoins pour le TPE (traitement post-exposition), les médecins généralistes ne peuvent pas le prescrire même si la HAS recommande qu’ils puissent le faire.

En 2023, 5 500 personnes ont découvert leur séropositivité au VIH. Ce chiffre, légèrement en hausse depuis 2020, reflète une tendance à la stabilisation. Quelles dynamiques faut-il retenir ?

TC : En effet, 5 473 personnes ont découvert leur séropositivité en 2023. Cette valeur ne traite pas des disparités. Si les infections diminuent chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) nés en France, elles augmentent chez les HSH nés à l'étranger ainsi que chez les femmes nées à l'étranger ayant des rapports avec des hommes (FSH). 

« Désormais les femmes peuvent commencer la PrEP par deux comprimés au moins deux heures avant un rapport, puis continuer avec un comprimé par jour pendant au moins sept jours après le dernier rapport »

Pour la HAS, la quasi-totalité des prescriptions de la PrEP est tournée vers les HSH, elle souligne alors l’importance de généraliser son utilisation pour toutes les personnes à risque. Quelles sont les nouveautés concernant la prescription de ce traitement dans ces nouvelles recommandations ?

TC : Deux grandes nouveautés sont à noter. Tout d'abord, les femmes cisgenres et les hommes transgenres avec un vagin peuvent désormais commencer la PrEP par deux comprimés au moins deux heures avant un rapport, puis continuer avec un comprimé par jour pendant au moins sept jours après le dernier rapport. Auparavant, une semaine de traitement préalable était nécessaire. Ensuite, la PrEP injectable à base de cabotégravir est désormais recommandée en deuxième intention pour les patients à contre-indication, intolérants ou en inobservance au Truvada. Le traitement est injectable tous les 2 mois avec le schéma : J0, M1, M3, M5, M7, etc. Il ne sera disponible probablement qu’après avoir trouvé son prix à l’horizon 2026. Dans l’attente, il sera accessible sous certains critères dans le cadre d’étude clinique (par exemple le programme CaboPrEP – ANRS)

Enfin, la possibilité de prescrire un TPE avec la doxycycline pour les patients à haut risque de syphilis ou chlamydia est à venir.

Les traitements du VIH ont-ils évolué ?

TCIl n’y a pas de gros changements vis-à-vis des antirétroviraux à mettre en première ligne de traitement cela reste avec une trithérapie à base d’un inhibiteur d’intégrase.

Cependant, les STR sont encouragées (« Single Tablet Regimen », une trithérapie combinée en un seul comprimé). Ainsi, lorsque cela est possible après contrôle virologique soutenu, l’allègement thérapeutique est recommandé. Notamment par les traitements injectables quand cela est possible (injections tous les 2 mois),

Dee plus, pour les TPE, des alternatives moins coûteuses et mieux tolérées, comme le DelStrigo ou la trithérapie à base de Doravirine, sont privilégiées.

 

Le VIH est-il encore un frein à la grossesse ou à l'allaitement ?

TC : Actuellement, le traitement par le Dolutegravir renvoie des données rassurantes pour faciliter le traitement des femmes enceintes. Il peut être utilisé sans crainte pendant la grossesse. Pour l'allaitement, il est désormais possible sous certaines conditions : un contrôle virologique optimal de la mère et une proposition de prophylaxie antivirale prolongée pour le nourrisson pendant toute la durée de l'allaitement pour prévenir tout risque de transmission résiduelle.

« Le test VIH sans ordonnance est principalement utilisé par les 25/49 ans à 44% et seulement 12 % des moins de 25 ans »

En 2023, 7,5 millions de sérologies VIH ont été réalisées en France, soit une augmentation marquée par rapport à 2022. Ce dépistage est-il efficace et bien orienté ?

TC : Le nombre de sérologie de dépistage du VIH a récupéré son retard post COVID à 7 513 155 tests en 2023 avec une distribution plutôt bonne sur le territoire en dehors du Val de Loire et de la Bourgogne.

Pour ceux qui connaissent les ressources comme le CeGIDD ou le dispositif "Test sans ordonnance", le dépistage est relativement facile d'accès. Cependant le test sans ordonnance est principalement utilisé par les 25/49 ans à 44% et seulement 12 % des moins de 25 ans.

De plus, les populations clés, souvent éloignées du système de santé, restent sous-dépistées. Ces tests sont parfois réalisés « hors les murs » grâce aux associations communautaires et aux CeGIDD. En 2023, 11 753 sérologies positives ont été recensées, mais le véritable défi demeure l'accessibilité pour les populations vulnérables.

« Le VIH reste une infection chronique qui peut devenir une maladie si elle n’est pas correctement traitée »

43% des infections à VIH ont été découvertes à un stade tardif, c’est 27% à un stade avancé et 16% à un stade tardif non avancé. Face à ces évolutions, avez-vous le sentiment que les personnes craignent moins le VIH ? quel message doit-on faire passer à nos patients ?

TC : C’est assez difficile de se prononcer, la peur est différente en fonction des caractéristiques socio-ethnique des personnes. En termes de prévention et de traitement, il y a sans aucun doute un gros problème d’information et d’apprentissage à la gestion de sa propre santé. 

Le VIH est toujours présent, c’est le message clé. Ainsi, il faut continuer à lutter pour faire baisser son incidence. Pour cela deux actions sont centrales : se protéger au maximum par la PrEP et faire évaluer son risque au VIH par les professionnels, que ce soit par des associations ou le milieu médical. Les patients ne doivent pas hésiter à consulter pour faire les vaccinations nécessaires à sa protection de sa santé sexuelle et globale. 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/lecanemab-contre-alzheimer-entretien-avec-le-pr-bruno-dubois-nous-sommes-dans-une-phase

Le VIH reste une infection chronique qui peut devenir une maladie si elle n’est pas correctement traitée, elle est moins lourde que le diabète mais avec un tabou toujours important dont les enjeux ne concernent pas que le patient lui-même mais la communauté dans laquelle il ou elle vit. 

Une infection par le VIH nécessite une implication du patient à sa santé car plus la personne est engagée et moins lourde sera le poids sur la prise en soin (passage aux injectables, etc).

Source:

Un article écrit sous la supervision de notre Conseillère médicale de la rédaction, Dr Cyrielle Rambaud.

 

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