Une petite sieste entre deux patients, ca vous dit ?

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Les bienfaits de la power nap

Une petite sieste entre deux patients, ca vous dit ?

Aux urgences d'Évreux, une pause obligatoire de 45 minutes a été instaurée pendant les gardes de 24 heures. Explications du chef de service, le Dr Arnaud Depil-Duval, qui met la sieste au service du bien-être (et de l'efficacité !) de son équipe.

C'est en lisant un guide du sommeil développé par l'Institut de recherche biomédicale des armées (Irba) que le Dr Arnaud Depil-Duval, chef de service des urgences d'Evreux et officier de réserve, s'est mis à réfléchir à la privation de sommeil au cours des gardes. « L'arrêt des gardes de 24 heures est peut-être faisable dans les grandes villes, mais pas dans les régions rurales », remarque-t-il. Pour rendre ces longues périodes de veille plus supportables, il a décidé d'améliorer les conditions de travail de ses médecins.

La première étape a été l'introduction d'une pause obligatoire de trois quarts d'heure pour les praticiens de garde pendant 24 heures. Le médecin qui assure la première partie de nuit prend sa pause à 14 heures, et celui qui fait la deuxième fait un break vers 17 heures. L’objectif est clair : récupérer, au besoin en s’assoupissant quelques instants pour une petite power nap (courte sieste réparatrice). Aucun appel, hors urgence grave, n'est passé à l'heureux « siesteur » pendant ces 45 minutes.

Finies les têtes de déterrés !

« Finalement les médecins ont été les plus durs à convaincre, tellement nous avons été baignés dans une culture du sacrifice », relève Arnaud Depil-Duval. Les équipes soignantes de jour ne voient pas de ralentissement du flux depuis l'instauration des pauses. Celles de nuit ont remarqué une vraie amélioration de l'efficacité des médecins. « Ceux qui sortent de garde n'ont plus la même tête le matin au staff », s'amuse le chef de service.

La pause n'est pas obligatoirement dédiée à une sieste : les médecins peuvent aussi aller faire du sport, bouquiner, ou se balader dans les jardins de l'hôpital. « Il y a un service qui pratique l'hypnose à l'hôpital, et j'y suis moi-même formé », explique le chef de service. « Du coup j'ai appris à mes collègues à utiliser l'auto-hypnose pour s'endormir quand ils veulent. Une power nap de quelques minutes recharge les batteries pour une heure environ. »

L'étape suivante est la création d'une salle de repos pour tous les soignants, avec fat boys (gros coussins dans lesquels s'allonger) et lampes de luminothérapie. L'achat de réveils simulateurs d'aube pour les chambres de garde est également à l’étude.

Limites biologiques

Le Dr Eric Mullens, spécialiste du sommeil, a beaucoup étudié le travail en horaires atypiques et les siestes. Il reconnaît que les siestes de 15-20 minutes effectuées dès que possible sont un moyen de limiter les dégâts pendant une garde. Une durée supérieure serait contre-productive car elle entraînerait des problèmes de vigilance au réveil.

Il souligne cependant que les siestes ne règlent pas tout. « Aucun organisme humain ne peut travailler 24 heures d'affilée avec efficacité, même les médecins ! », indique-t-il. « Ce n'est pas biologiquement acceptable, et les capacités cognitives sont forcément altérées. » Un problème qu’Arnaud Depil-Duval prend au sérieux : il compte justement effectuer une étude pour évaluer le bénéfice de la pause de 45 minutes sur les capacités cognitives.

Source:

Sarah Balfagon

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