Dans un signalement adressé lundi 17 avril au parquet national financier (PNF), auquel l'AFP et la cellule investigation de Radio France ont eu accès, des élus du comité social et économique (CSE) du Cosem dénoncent des faits pouvant être qualifiés d'abus de confiance, de prise illégale d'intérêt, d'escroquerie à la Sécurité sociale et de harcèlement moral, a détaillé leur avocat, Me Jérôme Karsenti.
Ce signalement est à l'analyse, a indiqué le PNF.
"Dans un contexte social tendu, les élus ont demandé pour la première fois à avoir les comptes de 2021 et ils ont constaté ce qu'ils considèrent comme des malversations financières", a rapporté l'un d'entre eux à l'AFP sous couvert d'anonymat.
La direction "n'entend pas faire de commentaires et fournira, le cas échéant, ses réponses à la justice si celle-ci devait être saisie", a-t-elle indiqué.
Le Cosem, "qui s'est toujours conformé à l'ensemble de ses obligations légales et réglementaires, prodigue des soins de qualité aux plus démunis sous le contrôle permanent de ses autorités de tutelle", a-t-elle ajouté.
L'association de santé à caractère non lucratif Coordination des oeuvres sociales et médicales (Cosem), qui emploie 1 400 salariés, est financée par des fonds publics - remboursements de la Sécurité sociale et subventions.
Plus de 285 000€ de notes de frais en 2021 pour la famille dirigeante du Cosem
Cette structure est dirigée par un père, directeur général depuis 2010, et ses deux fils.
Les élus du CSE les soupçonnent d'appauvrir le Cosem "afin de servir leurs intérêts privés" et redoutent des conséquences sur les emplois.
Ils dénoncent notamment les salaires exorbitants versés au père et à ses fils, les emplois fictifs de leurs épouses et des notes de frais disproportionnées - plus de 285 000 euros pour trois personnes en 2021.
Ils pointent également l'achat d'une voiture de luxe et la rémunération par le Cosem d'agents travaillant pour des filiales.
"Les comptes ont révélé une vente de l'immobilier du Cosem par le dirigeant, à lui-même et ses deux fils, pour 26 millions d'euros. A ce jour, la somme n'a pas été réglée et rien ne le garantit", a expliqué l'élu du CSE.
La famille "a pris en tout 37 millions d'euros" au Cosem entre l'opération immobilière et des avances de trésorerie et "rien ne permet de recouvrer cette créance", selon lui.
"Nous sommes face à une famille qui s'est totalement approprié les murs et a créé des sociétés satellites" qui puisent dans les finances du Cosem, a-t-il ajouté.
Ces filiales ont été créées pour externaliser des activités auparavant assurées par le Cosem et qui lui sont désormais facturées.
Dans "ce dossier emblématique" avec des "salariés en souffrance", selon l'avocat des élus du CSE Me Karsenti, "l'argent public sert à enrichir les propriétaires et leur famille qui ont fait main basse sur cette institution parisienne historique".
Le Cosem revendique deux millions de consultations médicales et dentaires par an assurées par 700 praticiens
Pour l'avocat, l'Etat "se donne bonne conscience" en déléguant "ses missions de service public à des entités privées en matière de soin". Mais "en renonçant à ses missions de contrôle des subventions et aides versées", l'Etat permet "l'enrichissement facile des responsables".
La Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris indique avoir "signalé les faits au parquet de Paris le 7 avril en application de l'article 40 du code de procédure pénale" après avoir été alertée sur une "suspicion pour fraude concernant les centres de santé Cosem".
Ce signalement est à l'analyse, a indiqué le parquet.
Aucune plainte n'a été déposée pour l'instant car "il n'y a pas de préjudice financier identifié à ce stade pour l'Assurance maladie", selon l'organisme.
Néanmoins, "des investigations sur les remboursements effectués (...) aux centres Cosem sont en cours" et des "actions juridiques appropriées" pourraient être engagées selon l'issue des enquêtes interne et judiciaire.
Le Cosem, créé en 1945, revendique deux millions de consultations médicales et dentaires par an assurées par 700 praticiens dans une quinzaine de centres en Île-de-France et en province, selon son site internet.
Avec AFP