Patients malades du Cancer, l’heure du bilan de Santé

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Retard de diagnostics, importance des vaccins pour les patients atteints de Cancer… Près de dix mois après le début de la crise sanitaire, Unicancer et la Ligue contre le cancer dévoilent leurs observations et recommandations.  
 

Patients malades du Cancer, l’heure du bilan de Santé

« Les personnes malades du Cancer ont été les victimes collatérales du Covid-19 », lâche Axel Kahn, masque sur le bout du nez, durant un point presse organisé ce 8 décembre en partenariat avec Unicancer. Ce jour-là, la Fédération des Centres de Lutte contre le Cancer fait le bilan des conséquences de la crise du Covid-19 sur la prise en charge des patients atteints de Cancer. Le point saillant ? Un retard important des nouveaux diagnostics qui pourrait entraîner une surmortalité des patients malades du Cancer dans les mois et les années à venir. « On estime que cela pourrait causer le décès de 1 000 à 6 000 personnes en plus sur l’ensemble du territoire national », alerte Jean-Yves Blay, président d’Unicancer.

Un retard de diagnostic important
 
D’après une étude présentée ce mardi, les centres de lutte contre le cancer de la fédération – qui prennent en charge environ 25 % des malades – ont en effet observé la désertion des nouveaux patients. « Il y avait une certaine réticence des personnes à consulter dans ces conditions. », indique le Président de la Ligue contre le Cancer. Une donne qui se traduit par un retard de diagnostics dans les CLCC s’élevant à 7 % de janvier à juin, avec un pic en avril-mai se chiffrant à 20 %. « Et il n’y pas eu de traduction sur les mois de juin et juillet où on aurait pu s’attendre à un rattrapage », s’inquiète le Président d’Unicancer.
 
Des chiffres qui atteignent des hauteurs vertigineuses si on prend en compte l’ensemble des structures accueillant des malades de cancer, et non pas uniquement les centres qui leur sont réservés. « En fonction des endroits, on a observé un déficit de 30 à 50 % des diagnostics », indique Axel Kahn, qui souligne la « grande difficulté », notamment des hôpitaux généraux, à pratiquer les gestes diagnostics en parallèle de l’afflux des formes graves de Covid-19. Un déficit qui se traduirait par le retard de prise en charge de 23,3 % des nouveaux patients atteints de Cancer sur l’ensemble du territoire national. « La conséquence de ce phénomène, c’est un possible impact sur le long terme et sur les chances de guérison du patient », indique Jean-Yves Blay. Selon lui, les données scientifiques disponibles indiquent qu’une personne atteinte de cancer à 6 % de chances en moins de guérir par année qui s’écoule sans prise en charge « Ces chiffres rapportent un impact potentiel de ce qu’on a nommé le dommage collatéral sur le cancer », conclut Jean-Yves Blay.
 
Des estimations qui se basent, pour l’heure, sur les données récoltées uniquement durant la première vague. Elles devraient être complétées dans les mois à venir par les observations tirées du second épisode. « Lors de la seconde vague, la magnitude des retards semble moins importante même si nous ne voyons toujours pas de rattrapage », indique tout de même le Président d’Unicancer. Durant la conférence de presse, Axel Kahn a tout de même tenu à souligner un point de « déception » : « Passé la sidération de la première vague, on doit également s’arranger pour ne pas faire perdre de chances aux maladies plus fréquentes, plus graves et plus anciennes que la Covid. La Ligue a demandé au niveau des services de l’État à ce que des dispositions soient prises pour assurer la continuité des soins des patients atteints de Cancer. Ça n’a pas été le cas. On a observé, durant la seconde vague, des infections nosocomiales. ».

La vaccination, la prochaine étape
 
S’il y a besoin de le rappeler, les personnes atteintes de Cancer demeurent une population plus à risque lorsqu’elle est confrontée à l’infection. « Le taux de mortalité du Covid-19 des personnes atteintes de Cancer est trois à quatre fois supérieur par rapport au reste de la population », chiffre Jean-Yves Blay. Un constat fait depuis de longs mois qui pousse le Président d’Unicancer à indiquer qu’il « paraît indispensable que ces patients puissent être prioritaires sur la vaccination ». Un avis plus que partagé par le Président de la Ligue. « Je m’engage aussi vivement que je pourrais en faveur de la vaccination », a indiqué, avec aplomb, Axel Khan avant d’ajouter être convaincu que l’immunité collective ne peut pas être « naturelle », mais uniquement « vaccinale ».
 
Pour l’heure pourtant, impossible de dire avec assurance la manière dont les patients atteints de Cancer réagiront aux différents vaccins. « D’une manière générale, la vaccination n’est pas contre indiquée pour une personne en cours de traitement », indique Jean-Yves Blay, qui ajoute être dans l’attente des résultats des publications. Et Axel Kahn, portable à la main, de compléter : « Cela étant dit, je viens de recevoir un RCP [Réunion de concertation pluridisciplinaire, Ndlr.] recommandant de ne pas vacciner par le vaccin ARN-BioNTech les personnes immunodéprimées ».
 
Un ensemble d’éléments qu’il reste à éclaircir qui pousse le Président de la Ligue Contre le Cancer à ne pas réclamer une modification de l’ordre de vaccination prévu par la Haute Autorité de Santé - qui priorise d’abord les personnes âgées vivant en collectivité. « La ligue va faire une campagne extrêmement active sur la vaccination, indique Axel Kahn. Mais, pour les patients atteints de Cancer, nous comptons plus sur l’obtention aussi vite que possible d’une immunité collective suffisante que sur la modification de l’ordre de vaccination car il y a beaucoup d’inconnues sur l’efficacité des vaccins sur ces personnes, ainsi que sur leur tolérance ».
 

Les CLCC, face à un problème d’attractivité
La colère monte dans les Centres de Lutte contre le Cancer. En cause ? La revalorisation insuffisante, décidée dans le cadre du Ségur, des personnels médicaux des CLCC par rapport aux praticiens de l’Hôpital Public. « Il y a un sentiment profond d’injustice et d’incompréhension de la part des praticiens des centres qui ne comprennent pas, alors qu’ils n’exercent pas d’activité libérale, pourquoi ils ne peuvent pas bénéficier de cette revalorisation. Notamment de prime de service public exclusive », indique Sophie Beaupere, la déléguée générale d’Unicancer. Un manque à gagner qui se chiffrerait à hauteur 600 euros bruts par mois, selon elle. Un ensemble de facteurs qui aggrave, selon Unicancer, les problèmes d’attractivité que rencontre la filière. « Nous avons déjà souligné que nous avions un problème d’attractivité, notamment au niveau des professions médicotechniques », poursuit Sophie Beaupere. Et d’ajouter : « Le Ségur n’a pour objectif de rendre attractif l’hôpital public au détriment d’autres secteurs, notamment des ESPIC ». En conséquence, Unicancer réclame « l’ouverture de discussions sur le sujet afin de pouvoir travailler sur les problématiques d’attractivité et de revalorisation des praticiens ». Des conversations qui tarderaient à venir, selon eux. Et Axel Kahn, de conclure : « J’apporte le soutien de la ligue à cette revendication parce qu’elle est juste ».
 

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