Nicolas Revel, DG de l’AP-HP, encore un ténor contre la régulation de l’installation à la sauce Garot

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Alors que les jeunes médecins battent le pavé et que la proposition de loi Garot poursuit son parcours parlementaire, une voix de poids s’élève à nouveau contre la régulation autoritaire de l’installation : celle de Nicolas Revel, directeur général de l’AP-HP, ancien directeur de cabinet à Matignon. Dans une note publiée le 26 mai par le think tank Terra Nova, proche du PS, il démonte point par point le mécanisme prévu par le texte porté par le député Guillaume Garot.

Nicolas Revel, DG de l’AP-HP, encore un ténor contre la régulation de l’installation à la sauce Garot

Nicolas Revel, DG de l'AP-HP.

© DR.

Adoptée à l’Assemblée nationale le 7 mai, la proposition de loi, très décriée, vise à imposer aux jeunes médecins, libéraux ou salariés, une autorisation délivrée par le directeur de l’ARS pour toute installation dans une zone dite « surdotée ». Une ligne rouge pour toute une partie de la profession. Et pour Nicolas Revel, cette mesure est à la fois « simpliste » et « inefficace ».

« Je ne crois pas que la solution soit dans l’idée apparemment simple mais à mes yeux simpliste et surtout inefficace, d’une limitation des possibilités d’installation dans des zones jugées surdotées », écrit-il dans sa note intitulée « La santé des Français : sortir de l’impasse » (Terra Nova, 26 mai 2025).

Trois arguments sont mobilisés pour justifier son rejet. Le premier est arithmétique : « Le conditionnement à l’installation d’un jeune médecin au départ en retraite d’un confrère âgé n’aura quasiment aucun effet en médecine générale tant les départs seront nombreux dans les dix prochaines années ». Le second est systémique : la régulation ne pourra, selon lui, rester limitée au secteur libéral. Il faudra l’étendre au public, avec le risque d’un effet boomerang pour les grands hôpitaux déjà fragilisés. « Cela fait peser des risques systémiques pour nos grands hôpitaux », avertit-il.

Le troisième argument s’appuie sur l’expérience des infirmiers libéraux. La régulation stricte de leurs installations n’a pas provoqué d’exode rural, mais a déplacé les installations en périphérie des zones les mieux dotées. Une dynamique peu compatible avec les objectifs affichés du texte Garot.

Nicolas Revel préfère le système de consultations avancées en zones sous-denses

Plutôt qu’une régulation frontale, Revel appelle à des dispositifs plus incitatifs et structurants. Il reprend à son compte l’idée formulée par François Bayrou dans son « pacte de lutte contre les déserts médicaux » : « La seule réponse efficace consiste à mettre en place un système obligatoire de consultations avancées dans les zones sous-denses », écrit-il, avant de préciser : « Tout médecin installé en secteur 2 devrait consacrer quelques jours dans le mois à des consultations dans un site choisi par l’ARS, évidemment équipé en fonction de sa spécialité, à tarif opposable et avec une garantie minimale de revenus ».

Cette logique de « répartition solidaire » des efforts séduit aussi au Sénat, où une proposition de loi adoptée le 13 mai prévoit d’autoriser la liberté d’installation en contrepartie d’un exercice partiel dans un désert médical.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/tribune-du-dr-didier-legeais-ne-soigne-pas-par-la-contrainte-dautres-solutions-existent

Mais Nicolas Revel va plus loin. Selon lui, la réponse au problème des déserts médicaux passe aussi par un accroissement des effectifs en formation. Il plaide pour ouvrir plus de places dans les filières médicales et paramédicales. Toutefois, il met en garde : « L’objectif annoncé de former jusqu’à 16 000 nouveaux médecins chaque année (...) justifierait d’être sérieusement étayé ». Il redoute un pilotage aveugle de la démographie médicale, sans réflexion sur les disciplines choisies ou les zones d’exercice. Il alerte également sur les effets pervers d’un choc quantitatif sans amélioration des conditions de travail : « Nous n’aurons le nombre de soignants nécessaires pour soigner demain plus de malades qu’aujourd’hui qu’à la condition de leur donner envie de choisir cette carrière ».

À l’AP-HP, le constat est glaçant : « L’AP-HP a perdu 12 % de ses infirmières entre 2019 et début 2023, et ainsi dû fermer jusqu’à 19 % de ses lits ». Quant au financement, il est plus que contraint : avec un déficit de la Sécurité sociale de 15,3 milliards d’euros en 2024 et une projection à 22,1 milliards pour 2025, « le mur démographique et épidémiologique se profile à l’horizon », écrit-il.

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