Mise à jour du 04 septembre 2024
Les parents de Simon ont assuré au Quotidien du médecin que leur fils ne buvait d'ordinairement pas d'alcool, "même lors de célébrations familiales (...) cela ne l'intéressait pas". En ce sens, en tant que "bizut", Simon constituait, selon son père Daniel Guermonprez, une cible facile pour les organisateurs de la soirée d'intégration.
L'alcoolisation massive et rapide du jeune homme, à raison de "12 seringues d'alcool (...) en moins de deux heures" injectées directement dans sa bouche, a donc été réalisée sous contrainte, pour ses parents. Ce qui constitue à ce titre une pratique de "bizutage".
Les parents du jeune homme, qui avaient lancé, suite à son décès une pétition contre les traditions de bizutage et d’alcoolisation à outrance, espèrent que les députés prendront la question en main, maintenant qu'un rapport officiel est sorti. « Je compte relancer cette initiative lorsque le contexte politique sera plus favorable. Mais il est difficile de trouver un groupe de députés prêts à porter cette loi. Quoi qu’il en soit, nous continuerons le combat pour que cessent ces pratiques insupportables », a conclu Daniel Guermonprez auprès de nos confrères du Quotidien du médecin.
Le 9 juillet 2021, alors qu’il rentrait d’une soirée étudiante à Lille, Simon Guermonprez, qui venait de valider sa première année de médecine est mortellement percuté par une balayeuse sur l’autoroute A 27, à proximité de chez ses parents.
Trois ans plus tard, le commissariat de Lille a retracé cette nuit tragique. À l'issue de la soirée, Simon est déposé devant chez lui par un taxi aux alentours de minuit. Voyant de la lumière au domicile familial, il serait allé faire un tour à pied en attendant que sa mère s’endorme. À 0 h 43, il se prend en photo avec son téléphone sur un pont qui surplombe l’autoroute A 27, à hauteur de Sainghin-en-Mélantois (Nord), selon le journal Le Parisien. Ce sont les dernières nouvelles que donnent le jeune homme.
Dans une synthèse, les policiers supposent « qu’il a fait tomber son téléphone du pont qui enjambe l’autoroute à la suite de son selfie et a ensuite tenté de le récupérer. ». C’est à ce moment-là qu'il aurait été percuté par le véhicule.
Demain, quatre personnes comparaîtront devant le tribunal. Parmi elles, le conducteur du camion ayant causé la mort de Simon sera jugé pour « homicide involontaire ».
Par rapport à l'alcoolisation de la victime, Julie* et Sébastien* seront jugés pour « bizutage », et Amélie* pour « complicité de bizutage », ayant accueilli la soirée avant le drame, selon Le Parisien.
Un « mode opératoire », mais « pas un bizutage »
La mort de Simon survient en effet à la suite d’une soirée dans l’appartement de cette dernière, organisée par les Borgia, un groupe de promo, baptisé ainsi en référence à la famille romaine connue pour ses orgies légendaires.
Sur place, on dessine une cible au feutre sur le front de l’étudiant, signifiant qu’il accepte de boire de l’alcool durant la soirée. Selon le quotidien, l’association étudiante a préparé « trois bassines de 60 litres », remplies de « trois cocktails différents préparés par les chefs alcool » du groupe, écrit le quotidien.
L’alcool est versé directement dans la bouche des « bizuths » à l’aide de seringues, qu’ils doivent recevoir à genoux. « Un mode opératoire » censé « impressionner les nouveaux », mais pas un bizutage (interdit depuis 1998, ndlr) selon les membres de Borgia interrogés par les policiers.
Les étudiants assurent qu’il n’y a pas d’obligation à se prêter à la pratique. « Celui qui ne veut pas boire, il ne boit pas », assure aux policiers Julie, l’une des responsables des Borgia.
Pourtant, cette vision édulcorée du monde de l’intégration est contestée par l’enquête, selon Le Parisien. « Les étudiants et les responsables de l’université pratiquent une certaine omerta, les étudiants minimisent les pratiques de bizutage et les responsables de l’université réfutent toute responsabilité », notent les policiers.
Dans ce genre de soirées, « les jeunes n’ont pas vraiment le choix », renchérit le père de Simon. « Il y a un engrenage qui fait qu’ils sont obligés ». Un engrenage que l’université de Lille ne semble pas résolue à empêcher, selon un rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR).
L'université aurait « entravé » l'enquête
Si le parquet n’a pas décidé à ce stade de poursuivre les responsables de l’université, l’enquête, elle, se montre très sévère sur la gestion par l’UFR de médecine de ces soirées, dont certaines ont déjà abouti à des plaintes pour viols, explique le journal.
« Non seulement, par leur attitude, l’université comme l’UFR n’ont pas mis fin à des pratiques inadmissibles et condamnées par la loi », remarquent les rapporteurs de l’IGESR, mais elles auraient « contribué à leur pérennisation, et même à leur amplification ».
Les inspecteurs estiment par ailleurs que les responsables de la fac ont « entravé » les investigations et ont fait preuve d’une « passivité institutionnelle » face à ce qui s'apparente à du bizutage, voire à des formes de « violence sexiste ».
Me Damien Legrand, l’avocat de la famille envisage donc de demander le renvoi du procès prévu mercredi 4 septembre « afin d’étudier la possibilité d’étendre les poursuites aux dirigeants de la faculté lilloise ».
Quant à Me Frank Berton, l’avocat de Julie, il plaidera la relaxe, estimant auprès du Parisien qu’elle « n’a aucune responsabilité dans ce drame ». L’avocat de Sébastien n’a pas donné suite.
Source:
Le Parisien