Mobilisation pour l’hôpital public : « J’espère que le gouvernement n’attend pas qu’on finisse par ramper devant le ministère pour nous ouvrir la porte »

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De meilleures conditions de travail, des recrutements et une revalorisation salariale. Ce mardi 15 juin, les soignants ont répondu présents à l'appel des syndicats pour aller dans la ruedéfendre l'hôpital public. Au lendemain du rassemblement, entretien avec le Dr Emmanuelle Durand, anesthésiste-réanimatrice en chirurgie cardiaque au CHU de Reims et vice-présidente du SNPHARE. 

Mobilisation pour l’hôpital public : « J’espère que le gouvernement n’attend pas qu’on finisse par ramper devant le ministère pour nous ouvrir la porte »

Plusieurs syndicats et organisations (notamment CGT, SUD-Santé, Action praticiens hôpital, SNPI-CFE-CGC, Collectifs inter-hôpitaux et inter-urgences) ont appelé le monde hospitalier à la grève ce mardi 15 juin pour dénoncer les annonces décevants du Ségur. Dans un communiqué publié le 8 juin, le SNPHARE a tenu à soutenir cet appel au rassemblement.

« Le SNPHARE défend l’hôpital public depuis longtemps, c’est normal d’appeler à la mobilisation, au rassemblement unitaire, avec pour objectif de ralentir la casse de l’hôpital public. On n’a pas pu appeler à la grève car nous avons encore nez dans le Covid, décemment on ne peut pas s’absenter de l’hôpital. On est en grève illimitée depuis janvier tous les lundis mais cela ne se voit pas car on ne peut pas s’absenter de nos patients en souffrance », a témoigné Emmanuelle Durand. 

« On est extrêmement déçus du Ségur, quand les jeunes médecins voient comment on est traités dans le public, ils ne restent pas. La situation actuelle est délétère pour la vie familiale et la santé, les jeunes ont l’occasion de partir avant de mettre le doigt de l’engrenage, le sens de leur métier disparait au fur et à mesure de l’internat », ajoute la présidente. « Pour les 35-55 ans, dans les grosses vagues du Covid, nous n’avons obtenu qu’une augmentation de prime, même si ce n’est pas anodin, cela ne compense pas la non évolution du pouvoir d’achat des médecins depuis 20 ans, on se sent punis, déçus, on essuie des vagues de départs ».

En toile de fond aussi, la perte des 4 ans d'ancienneté, qui ne passe pas. « On veut récupérer les deux échelons, quand on perd 4 ans d’ancienneté, on arrive 4 ans plus tard au dernier échelon, or c’est là où on cotise suffisamment pour notre retraite, où on gagne suffisamment pour ne plus faire de garde, et là on y arrive à 67 ans, âge où on devrait partir. »

Résultat, « des gens qui partent, et ceux qui restent sont encore plus en souffrance. Il y a une réelle pénibilité du travail à être là jour et nuit, sans avoir le temps de manger, faire de pause, d’aller aux toilettes lorsque l’on est sur un plateau technique et les semaines sans interruption pour assurer la permanence des soins. Soit on a de bonnes conditions et on ne regarde pas trop la feuille de paie soit les conditions sont délétères et la feuille de paie doit être conséquente ». Et quand les deux sont dans le rouge, il ne reste donc plus qu'à battre le pavé pour se faire entendre. 

Les professionnels hospitaliers, tous corps de métiers confondus, ont répondu présents à cet appel. Que peuvent-ils attendre de cette nouvelle mobilisation ? « Nous souhaitons rediscuter avec le ministre de la Santé, qu’il nous reçoive et qu’il comprenne qu’il ne peut pas obtenir de démocratie sanitaire en France sans prendre en compte la base de l’hôpital. L’évolution se fait en essayant de nous pousser dehors, on ne veut pas, on est convaincus que l’hôpital a sa place, il y a des choses à réformer mais fermer n’est pas une solution, ni le remettre à un niveau d’hospice du début du 20ème siècle. La qualité des soins et la sécurité passent par la qualité des conditions de travail et la sécurité du personnel. Et la possibilité d’avoir une vie personnelle décente : rentrer chez soi, dormir chez soi. Beaucoup ne peuvent même pas faire cela et ce n’est plus supportable », s'indigne la syndicaliste. 

Malgré la situation critique, la force de mobilisation ne semble pas faiblir du côté du SNPHARE. « Ce n’est pas décourageant, cela nous pousse encore plus à aller de l’avant, toucher la population, leur expliquer que sans l’hôpital on peut se retrouver devant une porte fermée dans un moment où on a besoin d’aide. L’hôpital n’est peut-être pas rentable mais il accueille beaucoup de gens. On continue d’essayer de convaincre la population et nos politiques qu’il faut une démocratie sanitaire en France, on ne veut pas lâcher là-dessus ! On n’a pas de temps syndical, nous médecins, et on trouve quand même des moments pour se battre pour l’hôpital, si ce n’est pas décourageant, en tout cas c’est épuisant. J’espère que le gouvernement n’attend pas qu’on finisse par ramper devant le ministère pour nous ouvrir la porte ».

A la question « êtes-vous optimiste ? », Emmanuelle Durand répond par un grand souffle. Avant de conclure : « J’essaie de le rester parce que j’y crois. »

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