Marre de la sécu : je quitte la médecine générale

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Direction les îles… et la médecine de recours. Le Dr Stéphanie Becquet va bientôt arrêter d’exercer. A 51 ans, cette généraliste installée à la campagne, à 55 kilomètres de Paris, préfère s’orienter vers la médecine de recours. Elle explique tout à What’s up Doc.

Marre de la sécu : je quitte la médecine générale

What’s up Doc. À l’origine de votre décision de décrocher votre plaque, il y a vos relations avec la sécu. Pouvez-vous nous raconter cela ?

Dr. Stéphanie Becquet. En juin 2015, j’ai reçu une lettre de la CPAM m’indiquant que je prescrivais trop d’arrêts de travail. J’ai été convoquée par le directeur. J’avais beau lui expliquer que j’arrête davantage de gens parce que ma patientèle est plus jeune et donc plus active, il n’en avait rien à faire. Je suis passée devant la commission des pénalités, qui a ordonné une surveillance de mes arrêts de travail pendant un mois. Mais son avis n’est que consultatif, et le directeur a porté la sentence à deux mois !

Et ça a été le déclic ?

SB. Oui. Quelques jours avant le début de mon contrôle, mon compagnon m’a dit qu’il en avait marre du climat de notre région, et qu’on pourrait peut-être partir s’installer dans les îles. Ses mots ont résonné dans ma tête. J’arrêterai d’exercer le 31 décembre, et nous allons partir. Nous ne savons pas encore où exactement : Tahiti, les Antilles… Loin, de préférence. J’ai décidé que je ne serais plus jamais médecin de ma vie. C’est vraiment une fuite.

En attendant, vous fermez progressivement votre cabinet et vous faites des contrôles d’arrêt de travail. Ce n’est pas un peu paradoxal ?

SB. Je voulais savoir ce qui se passe de l’autre côté. Je travaille pour une entreprise qui facture ses prestations aux employeurs dont les salariés sont arrêtés, et je fais environ deux contrôles par semaine. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que je fais cela pour diversifier mes sources de revenus.

Pour la suite, vous voulez vous spécialiser dans la médecine de recours. Qu’est-ce que c’est ?

SB.  C’est un peu comme être avocat, mais dans le domaine de la médecine. Je vais par exemple assister la victime d’un accident de la route qui a peur que son assureur ne reconnaisse pas les dommages à leur juste valeur. Mon rôle est de faire contrepoids à l’expert de l’assureur.

Comment avez-vous été formée à cela ?

SB. En 2014, j’ai obtenu un diplôme en évaluation des dommages corporels. Je pensais que je ferais quelques expertises, et que je ne quitterais la médecine que cinq ou dix ans plus tard. Mais les choses commencent à se bousculer, j’ai fait trois expertises rien que la semaine dernière !

Qu’est-ce qui va vous manquer en quittant la médecine générale ?

SB. Les patients. J’ai toujours eu une relation très forte avec eux, j’ai souvent la larme à l’œil quand ils m’annoncent une mauvaise nouvelle ! Mais en revanche, le fait de ne plus prescrire, je m’en fiche. Ce que j’aime dans la médecine, c’est le diagnostic. En tant que médecin de recours, je diagnostique aussi.

Et qu’est-ce qui aurait pu vous décider à rester ?

SB. Que la médecine change. Aujourd’hui, si un patient a une angine, il est vu en deux minutes et repart avec des médicaments. Mais son angine est peut-être due à la fatigue, au stress… On n’a jamais la possibilité de voir les patients dans leur globalité.

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Pour aller plus loin…

Stéphanie Becquet tient un blog dans lequel elle relate ses aventures sur le chemin qui la mène hors de la médecine générale : De la médecine générale à la médecine de recours. Elle a également publié en 2009 un livre aux éditions du Cherche-Midi : Journal d’un médecin généraliste.

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