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Les lombalgies sont une pathologie fréquente en population générale, et plus particulièrement chez les actifs. En France, elles concerneraient 60 à 70% des salariés, générant 20% des arrêts de travail. Le retentissement socio-économique est donc considérable, avec un coût estimé à près d'un milliard d'euros par an pour la branche AT-MP de l'Assurance Maladie.
Face à ce constat alarmant, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à s'intéresser aux solutions de prévention et de prise en charge des troubles musculosquelettiques. Parmi elles, l'ostéopathie en milieu de travail apparaît comme une piste séduisante. Cette approche non médicamenteuse, basée sur des manipulations manuelles, vise à prévenir et traiter les dysfonctions de mobilité des tissus.
Si les données scientifiques restent encore parcellaires, quelques études commencent à objectiver les bénéfices de l'ostéopathie chez les salariés souffrant de lombalgies. C'est notamment le cas d'un travail collaboratif mené par la société Santéclair et le Syndicat Français Des Ostéopathes, dont les résultats viennent d'être publiés dans la revue scientifique Douleurs et analgésie.
La proportion de salariés avec arrêt de travail est passée de 13,1% à 7,5%
Le Pr Serge Perrot est rhumatologue à l’AP-HP, il a participé à l’élaboration du protocole de cette étude, « Je suis ouvert à l’ostéopathie du moment que les choses sont bien faites, qu'on ne fait pas n’importe quoi et qu'on ne raconte pas n’importe quoi. Le dérangement intervertébral existe et l'ostéopathie dans la prise en charge de la lombalgie aiguë est très utile. Mais il faut que ce soit bien fait par des bons professionnels et pour les bons patients. »
L’étude observationnelle avant/après a été conduite auprès de 283 employés de la branche pharmaceutique présentant des douleurs lombaires. Le protocole prévoyait 3 séances d'ostéopathie étalées sur 6 semaines, réalisées sur le lieu de travail. Le critère de jugement principal était la proportion de salariés déclarant au moins un arrêt de travail sur deux périodes de 4 mois, avant et après l'intervention.
Les résultats sont encourageants. Après la prise en charge ostéopathique, la proportion de salariés avec arrêt est passée de 13,1% à 7,5%, frôlant le seuil de significativité statistique (p=0,058). Ce qui peut surtout être expliqué par un défaut de puissance lié au nombre de salariés inclus dans l'étude, inférieur au nombre de sujets nécessaires calculé.
La tendance à la baisse du nombre de salariés, souffrant de lombalgie et confrontés à un arrêt de travail, était plus marquée pour les arrêts de travail courts (<20 jours) avec une réduction significative de leur durée cumulée (p=0,034).
« Il y a vraiment un impact de ces séances d'ostéopathie sur les salariés en milieu professionnel »
Pr Serge Perrot
Serge Perrot ne s’attendait pas à de tels résultats : « J’étais un peu dubitatif sur les capacités de réussite d’une telle étude. L'aspect organisationnel, d’envoyer des ostéopathes en entreprise, était un peu un défi. Et voir si trois séances seulement auraient un impact. J’ai été bluffé, je ne m'attendais pas à quelque chose de si net. Quand on voit la diminution des arrêts de travail, la satisfaction des patients, il y a vraiment un impact de ces séances d'ostéopathie sur les salariés en milieu professionnel, c'est une initiative originale et les résultats sont parlants. »
Au-delà de l'impact sur l'absentéisme, les séances d'ostéopathie se sont également traduites par une diminution significative de l'intensité des douleurs lombaires (-1,2 point sur l'échelle EN) et du score d'incapacité fonctionnelle (-2,9 points). Des améliorations jugées cliniquement pertinentes par les auteurs. Enfin, la satisfaction des salariés vis-à-vis de ce dispositif était au rendez-vous, notamment sur le plan de la qualité de vie au travail.
« On reconnaît la douleur au travail, on agit tout de suite, on propose une approche originale non médicamenteuse »
Pr Serge Perrot
Bien entendu, ces résultats doivent être interprétés avec prudence au vu des limites inhérentes au design observationnel (absence de randomisation, de groupe contrôle, critères déclaratifs...). D'autres investigations, idéalement des essais contrôlés randomisés multicentriques, seront nécessaires pour confirmer ces données préliminaires. Une évaluation médico-économique apporterait également un éclairage complémentaire quant à la pertinence d'un déploiement à large échelle.
Il n'en reste pas moins que cette étude interventionnelle en vie réelle apporte un argument supplémentaire en faveur de l'ostéopathie chez les travailleurs lombalgiques. En première intention et en complément des approches classiques, cette thérapeutique manuelle pourrait contribuer à réduire le fardeau des lombalgies en entreprise.
https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/prevention-sante-en-france-vers-un-virage-preventif-enfin-reussi
« Cette prise en charge par ostéopathie est tout à fait adaptée. Surtout quand les douleurs sont traitées précocement, avant que ne s'enclenchent des phénomènes professionnels complexes. On reconnaît la douleur au travail, on agit tout de suite, on propose une approche originale non médicamenteuse. Avec ces trois points, l’ostéo en entreprise, c’est vraiment positif ! », conclue le professeur de rhumatologie.
Source:
Impact de séances d’ostéopathie réalisées en entreprise sur les arrêts de travail des salariés souffrant de lombalgies dans Douleur et analgésie.
Le DIU de médecine manuelles Ostéopathique est toujours d'actualité et à toute sa place chez les médecins notamment en MG, car apporte une grande compréhension et une plus value dans le traitement de toutes ces pathologies musculosquelettique !