Les maternelles

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Ciné week-end: Melody, de B. Bellefroid (sortie le 6 mai 2015)

Les maternelles

L'une n'a jamais eu de mère, l'autre ne pourra jamais le devenir. Melody narre la rencontre de deux souffrances, deux manques, que le destin va réunir et combler autour d'un projet de GPA.

Au cours de cet échange marchand décrit dans une absence de jugement mais aussi de questionnement éthique - ce qui permet à cette histoire humaine de se déployer dans toute sa puissance -, chacune des protagonistes va fausser la donne en cachant à l'autre une information essentielle. Melody, jeune coiffeuse sans le sou rêvant d'ouvrir son salon, s'invente une fille et une mère auprès d'Emily, businesswoman anglaise en mal d'enfant, afin de la rassurer quant à ses intentions. Quant à Emily, elle aurait pu être mère mais a dû se contraindre à avorter pour survivre à un cancer. 

C'est peut-être parce qu'elle est née sous X que Melody accepte si facilement de porter un enfant pour une autre: privée d'une relation mère-fille, ses enjeux lui échappent et pourraient suffisamment étouffer d'éventuels scrupules, d'autant plus qu'en donnant son enfant à quelqu'un qui le désire vraiment elle annulerait en quelque sorte un scénario en phase de se répéter. Et pourtant Melody hésite, teste sans cesse la solidité du contrat qui l'unit à Emiy. Elle croit contrôler le jeu mais, en mal de mère, elle va peu à peu s'attacher à cette femme en quête d'enfant. Et l'alternance entre une complicité et une défiance, voire un jeu de pouvoir, chez ces deux femmes, illustre de façon percutante l'ambivalence de la GPA. Lors d'une très belle scène, Melody confie à Emily son besoin terrible d'être reconnue en tant qu'enfant. Les deux actrices, impressionnantes, véhiculent alors la souffrance de ne pas pouvoir apaiser cette souffrance.

C'est pourtant ce qui va finir par arriver suite à un tour tragique du destin qui, en contrariant le projet initial de chacune, va réaliser une aspiration plus profonde. Et c'est au bout de ce parcours éprouvant que transparaît la grandeur de l'humain, exposé sans cesse à des choix douloureux alors que sont à l'oeuvre des forces qui lui échappent. Et face à ces combats sur lesquels la science tente d'influer, on ne peut que rester humble. Et tenter de comprendre, pour mieux accompagner.

Source:

Guillaume de la Chapelle

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