Le cinéma au temps du Sida

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Le sida est la première épidémie à avoir bénéficié d'une vision cinématographique contemporaine. Il a été appréhendé de manière très incarnée par le monde du 7e art, assez tôt du fait des drames l’ayant touché de facon intime et précoce. Le temps de l'analyse, lui, viendra plus tard mais avec une même constante : la complexité.

Le cinéma au temps du Sida

Le sida est la première épidémie à avoir bénéficié d'une vision cinématographique contemporaine. Il a été appréhendé de manière très incarnée par le monde du 7e art, assez tôt du fait des drames l’ayant touché de façon intime et précoce. Le temps de l'analyse, lui, viendra plus tard mais avec une même constante : la complexité.

1992 - Les Nuits fauves, Cyril Collard

Un jeune cinéaste décide de continuer à vivre avec et malgré sa séropositivité, emportant et détruisant dans sa rage ceux qu’il côtoie. Coup de tonnerre dans le ciel du cinéma français, un monde qui se prend en pleine face son reflet dans le miroir déformant et étouffant de la pathologie borderline du réalisateur, dont la mort prématurée – la veille de sa consécration aux César – l’a immédiatement propulsé dans la légende. Ce film n’en est pas moins daté. Comme si l’époque superficielle et cannibale qu’il décrit s’était hâtée d’en faire le deuil. Demeure le témoignage d’un homme dont la fureur – de vivre comme de mourir – a fait se confondre sa séropositivité et sa personnalité.

1993 - Philadelphia, Jonathan Demme

Un jeune avocat homosexuel est renvoyé de son cabinet au motif non avoué de sa séropositivité. Habitué à se fondre dans la norme, il va enfin pouvoir s’affirmer. Réalisé au moment où le sida devient réellement une préoccupation mondiale, ce film reste un excellent exemple de ce que Hollywood a pu produire à cette période en termes de pédagogie intelligente et sensible (tout comme, sur un tout autre sujet, La Liste de Schindler sorti la même année).

1998 - Jeanne et le garçon formidable, Olivier Ducastel et Jacques Martineau

Une jeune fille tombe follement amoureuse d’un garçon qui disparaît au moment où il apprend qu’il est malade du sida. Fin des années 90, les perspectives de thérapies efficaces diffusent une vague d’espoir. L’art s’autorise davantage de légèreté. Ainsi ce joli premier film « en-chanté » façon Demy. Vingt ans plus tard, avec Théo & Hugo dans le même bateau, Ducastel et Martineau continuent d’interroger les rapports de leur époque avec cette pathologie. Dans les deux cas, c’est beau, mais c’est triste.

2007 - Les Témoins, André Téchiné

Notre coup de cœur. Avec le recul nécessaire – peut- être fallait-il laisser passer ce temps – et son habituelle sensibilité, Téchiné réalise le portrait d’une génération stupéfiée par l’apparition du sida et le fauchage de ses premières victimes. La sagesse d’un médecin homosexuel y rencontre la fougue d’un jeune provincial découvrant sa sexualité puis sa maladie. Leur alchimie, ainsi que la bienveillance de leur entourage – avec au premier plan une Béart solaire – leur permettra d’appréhender la mort inéluctable de ce dernier. Un film essentiel retranscrivant parfaitement le vécu de cette maladie, puisque basé sur une alternance entre poussées de fièvre et moments apaisés.

2014 - The Normal Heart, Ryan Murphy

Réalisateur de séries sans nuances, Murphy tente un virage risqué avec ce film plus délicat, bien que non dénué de ses habituelles facilités hystérisantes. Décrivant la prise de conscience et l’organisation de la communauté homosexuelle new-yorkaise face à l’émergence d’une pathologie inconnue – et pas encore nommée –, le film remue par la description frontale de la fulgurance de la maladie, tant au niveau physique que psychique. Et montre de façon intéressante en quoi cette maladie sexuellement transmissible et mortelle a révélé les dissensions au sein d’une communauté dont la liberté sexuelle fondait le sentiment d’appartenance et de cohésion.

2016 - Juste la fin du monde, Xavier Dolan

Dolan adapte la pièce de Jean-Luc Lagarce décrivant l’impossible annonce de sa mort prochaine d’un jeune écrivain homosexuel à sa famille. Fidèle à l’œuvre initiale autant qu’à son univers, il ne nomme plus la maladie. Volonté inconsciente ou délibérée, s’inscrivant dans une époque où la conjugaison de sa banalisation et de la persistance de son tabou continue de conférer au sida sa complexité et ses paradoxes.

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