L’AP-HP buzze : première mondiale en chirurgie orthopédique

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La réalité augmentée au bloc opératoire

L’AP-HP buzze : première mondiale en chirurgie orthopédique

Le Dr Thomas Grégory, chirurgien orthopédiste à l'Hôpital Avicenne (Bobigny), a posé une prothèse d’épaule assisté d’un casque de réalité augmentée. L’intervention a été réalisée en direct, et le chirurgien était en communication avec cinq de ses confrères internationaux, via Skype.

Bon coup de comm’ pour l’AP-HP, plutôt habituée à discuter publiquement de ses ennuis de trésorerie ces derniers temps. Lors d’une grand-messe organisée à l’Hôpital Avicenne de Bobigny (Seine-Saint-Denis), devant un parterre de médecins, journalistes et internes qui avaient pu se libérer pour l’occasion (WUD n’a repéré que des internes en pharmacie – aucun jugement), elle a organisé la retransmission d’une première chirurgicale mondiale.

Le Pr Thomas Grégory, chef du service de chirurgie orthopédique et traumatologique de l'établissement depuis un peu plus d’un an, a posé une prothèse d’épaule à une patiente âgée de 82 ans, en direct, et en communication permanente avec des confrères américains, britanniques et sud-coréens. Mais la véritable innovation résidait dans l’utilisation d’un casque de réalité augmentée, qui a assisté le chirurgien tout au long de l’intervention.


Le Dr Grégory du futur (Hôpital Avicenne/AP-HP)

Mi-réel, mi-virtuel

Pour ceux qui ne connaissent pas le principe de la réalité augmentée, un petit rappel s’impose. Les casques sont équipés d’une visière transparente faisant office d’écran. L’utilisateur peut alors voir l’environnement dans lequel il évolue – le bloc, ses outils, la patiente –, auquel se superposent des objets virtuels, informations ou images. Ici, le chirurgien pouvait, en pleine intervention, avoir accès à toutes les informations nécessaires sur le patient, qu’il pouvait épingler où il le souhaitait dans la salle. Il avait notamment accès à une modélisation 3D des clichés.

Car le casque (HoloLens de Microsoft), une sorte de petit ordinateur autonome de 800 g, était enrichi d’une plateforme de réalité augmentée (HoloPortal de TeraRecon), qui permet de traiter les résultats d’imagerie (scanner, IRM) et d’en offrir un rendu holographique. Pendant l'opération, le Pr Grégory pouvait alors visualiser l’épaule de sa patiente en 3D, et même rentrer dedans pour voir les coupes en 2D.


Visualisation d'un hologramme du squelette (Hôpital Avicenne/AP-HP)

C’est de la bombe, bébé

« C’était formidable, car c’est une preuve de concept », s’est-il réjoui lors d’une conférence qui a suivi l’intervention. « L’intervention était plus facile que d’habitude, alors que l’anatomie de la patiente ne s’y prêtait pas forcément ».

Au cours de l’opération, il a échangé quelques informations et politesses aves ses confrères, notamment le Pr Roger Emery de l’Imperial College de Londres, dans un très bon anglais teinté d'un accent bien de chez nous. Et cette capacité à communiquer est également un atout du casque. Un chirurgien équipé peut alors se faire assister facilement par un homologue, qui voit exactement la même chose que lui, et qui peut donc le conseiller, ou le guider depuis l’autre bout du monde sur une procédure compliquée. L’intérêt pédagogique pour les chirurgiens, mais aussi pour les étudiants, est immense.

Ça farte pour Grégory de Bobigny

Cette fois-ci, l’opération a été réalisée sur des tissus osseux. Mais le procédé pourrait être aussi utilisé sur des tissus mous, avec quelques adaptations. Il faudrait trouver un moyen de cheviller les clichés aux mouvements du patient, notamment ceux causés par la respiration. Mais pour les nombreux chirurgiens qui vont sans doute vouloir tester la réalité augmentée dans les années à venir, et potentiellement l’adopter, une petite révolution est en marche au bloc.

« On passe de l’époque de Saint-Exupéry à celle du pilote de ligne », explique le Pr Grégory, qui se lance dans la métaphore. « Le pilote est assisté d’une technologie qui permet de l’aider, de standardiser le vol et de garantir une sécurité maximale. Jusqu’à présent, la réussite d’une intervention reposait sur la compétence et l’expérience du chirurgien. Nous avons ouvert une nouvelle ère, où le chirurgien a son cockpit devant les yeux ». Chirurgien, pionnier, et maintenant pilote… Dommage : s’il était pompier en extras, il serait sans doute le mec le plus sexy de la terre !

Crédits photo : Retour vers le futur (Amblin Entertainment/Universal Pictures)

Source:

Jonathan Herchkovitch

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