La médecine rurale est-elle l'avenir des jeunes médecins ?

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Non, la médecine rurale, ce n’est pas ce que vous croyez. Pour casser cette image de la ruralité façonnée par un Jean-Pierre Pernaut, Arnaud Capelguenne, pharmacien à Lectoure dans le Gers, a organisé, en compagnie du professeur Brice Gayet, les 16 et 17 août derniers, la première université d’été santé Gers. Intitulé : « médecine du futur : une autre idée de la campagne. » 

La médecine rurale est-elle l'avenir des jeunes médecins ?

What's up Doc. Il s’agit bien d’une première édition ? 

Arnaud Capelguenne. Oui tout à fait, c’est une première, une invention pure qui sort de mon cerveau et qui a fédéré beaucoup de monde, dans le monde de la santé, ce qui a été très compliqué. Il y a eu une sorte de défiance, en particulier du monde médical, au tout départ. La difficulté, c’était d’amener autour de la table les médecins qui pensent que de manière naturelle, ils décident et que les autres suivent. Mais pour moi, il fallait placer le patient au centre des préoccupations, et s’adresser à ceux qui feront la médecine demain, puisque nous étions en pluriprofessionnalité et en interprofessionnalité. Je ne voulais pas non plus forcément recruter des médecins même si nous vivons aussi dans notre territoire des problèmes de recrutement. Par exemple, nous avons connu trois départs de médecins pour un seul recrutement…. 

La difficulté, c’était d’amener autour de la table les médecins qui pensent que de manière naturelle, ils décident

WUD. Pourquoi s’installer dans un territoire ? 

A.C. Je me suis posé cette question en me posant la question de manière rationnelle. Pourquoi moi, qui es vécu à Paris, j’ai décidé de m’installer en milieu rural ? En fait, il est logique que les jeunes médecines ne soiten pas attirés par une installation en libéral dans un muilieu rural. Pendant leurs études de médecine, les étudiants ne sont formés qu’à l’hôpital, ils ne connaissent que ça. Qui plus est, ils sont formés en CHU, dans les métropoles. C’est mon cas, j’ai fait mon internat à Paris… Il fallait que je montre aux jeunes qu’ils n’ont pas la bonne vision de la médecine rurale, façon Jean-Pierre Pernaut : un vieux médecin de 80 ans qui commence sa journée de travail quand le jour n’est pas levé et la finit quand la nuit est tombée. Il faut casser cette image de la ruralité et montrer que l’exercice de la médecine, c’est le pluriprofessionnel. Par ailleurs un autre grand allié de ce projet a été la Fédération des maisons de santé qui a permis de fédérer toutes les professions de santé. La fédération des maisons de santé nous a permis de montrer que le modèle de la médecine générale à la campagne est fédératif, collectif. Et pour faire découvrir la campagne, j’ai mobilisé le territoire, à savoir les entreprises, les acteurs territoriaux, etc. 

WUD. Autre problème qui se pose dans les territoires ruraux : les services publics. Avez-vous abordé cette thématique ? 

A.C. Exactement. Aujourd’hui, un jeune qui veut s’installer quelque part se pose les questions suivantes : y a-t-il une école ? Une crèche ? Puis-je prendre le train ? Une poste ? Un cinéma ? Un club de sport ? Nous avons donc voulu vendre notre territoire, et pour ce faire, nous avions des alliés, le département du Gers, la communauté de commune. Mais il ne fallait pas non plus s’auto-centrer et rentrer dans une compétition entre territoires. Je voulais que cette université d’été ait lieu sur ce territoire, mais les prochaines années cela peut être ailleurs. 

 

WUD. Quel est le levier pour l’installation en territoire rural ? 

 

A.C. Nous avons abordé la question du conjoint, et donc de son employabilité. Il fallait montrer qu’il est employable, donc qu’il existe une économie dans les territoires ruraux. Cette question a été abordée lors des débats la deuxième journée. Il faut aussi montrer que nous avons accès à la culture dans nos territoires, raison pour laquelle nous avons associé à notre université d’été un festival qui nous a préparé une pièce de théâtre. Nous avons aussi préparé une initiation à l’astronomie. 

 

WUD. Justement, quelles sont les thématiques que vous avez abordées lors de ces deux journées ? 

 

A.C. La première journée a été consacrée à la médecine du futur. J’ai invité le professeur Brice Gayet qui est mon voisin. Avec trois orateurs ils ont parlé de la médecine du futur et ils ont enflammé la salle de 300 congressistes. Pour la deuxième journée, nous avions invité les représentants des associations d’étudiants en médecine, en soins infirmiers, pour parler de l’exercice de la médecine en 2020. Nous avons aussi beaucoup parlé des assistants médicaux, mais pas assez des infirmières en pratique avancée. Nous avons eu droit à une belle présentation du travail en équipe. Et la qualité de vie a aussi été abordée : ils veulent leur mercredi, voir leurs enfants, etc. 

Le drame de notre système, c’est que les étudiants choisissent la médecine générale sans vraiment la connaitre

WUD. Vous êtes pharmaciens et vous vous êtes adressés à des médecins. Cela s’est-il bien passé ? 

A.C. Ça ne m’a pas posé de souci car je suis un ancien hospitalier, j’ai une thèse de sciences en cancérologie, j’ai travaillé dans une grosse équipe parisienne de l’Inserm où je me suis frotté à des pontes de la médecine. J’ai été responsable du centre anticancéreux de Toulouse où nous travaillions déjà en pluri-professionnel. Donc je n’ai aucun souci pour discuter avec des médecins et je n’ai aucun complexe. 

WUD. Quels sont les enseignements concrets que vous retenez de cette première édition ? 

A.C. Le drame de notre système, c’est que les étudiants choisissent la médecine générale sans vraiment la connaitre. Il faut amener les étudiants dès l’externat en médecine générale. Surtout en pluri-professionnel, donc il faut des maitres de stage. Nous allons dans ce sens envoyer une lettre à la ministre de la Santé tout comme à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Par ailleurs, le débat sur les soins primaires et les urgences, c’est le même débat. Si les soins primaires sont structurés, alors cela évitera aux patients de se reporter sur les urgences. Il faut aussi se pencher sur la formation continue pour l’ensemble des professionnels de santé, afin de faire en sorte que pharmaciens et infirmiers puissent libérer le médecin de tous les actes répétitifs et le poser en expert clinique, en pivot ville-hôpital, en gestionnaire des comorbidités… Si on veut que les étudiants viennent, il faut aussi réfléchir à l’aspect logistique : transport, logement… 

 

WUD. Prévoyez vous une deuxième édition ? 

A.C. Elle est réclamée. Nous allons essayer d’embarquer plus de monde. En avril dernier, nous étions avec Brice Gayet, la fédération des maisons de santé, le département. Mais il faudra continuer à décliner cette université d’été en montrant le potentiel économique, artistique, logistique, d’un territoire. Nous préparons aussi les actes de notre première édition. 

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