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Éprouvée par une errance médicale pour soulager sa maladie gastrique chronique, Leïla – prénom d’emprunt choisi par la plaignante – arrive au cabinet d’Alexandre Isson sur recommandation d’une voisine.
« Les séances s’enchaînent, trois à quatre par semaine, » se rappelle avec émotion la jeune femme aujourd’hui âgée de 25 ans. Entrecoupé de silences et de pleurs, son témoignage relate des douleurs subies quand le praticien la pénétrait digitalement, sans jamais, selon elle, ne mettre de gants. « Il introduisait aussi les aiguilles (d’acupuncture) dans mon vagin, dans mon anus, » souffle la victime à la barre.
« C’est pas possible qu’une personne fasse ça »
Toute de noir vêtue, Leïla explique que « comme toujours, je hurlais dans le cabinet, c’était horrible. » Puis elle fond en larmes : « je me confortais en me disant que c’était pour mon bien. »
La jeune femme s’est souvent dit, durant ces rendez-vous qui pouvaient durer plus de trois heures, que « ça n’était pas normal », que le médecin faisait « des trucs bizarres », mais ce n’est que le 20 mai 2020 qu’elle réalise qu’elle n’est « pas folle. »
Ce jour-là, alors qu’elle est totalement nue, à quatre pattes, elle voit l’accusé s’écarter de la table de consultation pour lui photographier les parties génitales. « Je vois un téléphone, je me disais, c’est pas possible qu’une personne fasse ça, » raconte-t-elle, visiblement encore sous le choc.
Alors qu’elle alerte sa sœur en lui envoyant un message via sa montre connectée, Leïla panique : « je me suis dit que j’allais mourir, qu’il allait me tuer. »
Sa grande sœur accourt au cabinet et filme Alexandre Isson tout en lui ordonnant d’effacer les clichés de son téléphone. Il s’exécute mais assure alors qu’il ne s’agissait pour lui que de mémoriser la localisation précise des aiguilles.
Avec son aînée, Leïla file directement au commissariat pour porter plainte et dénoncer tous les viols, agressions et atteintes à sa vie privée par la prise de photos.
Le cabinet médical est mis sous scellé dans la demi-heure qui suit le dépôt de sa plainte, smartphone et matériel informatique du médecin saisis. Des centaines de photos de femmes nues ou en sous-vêtements, ainsi que des gros plans de parties génitales féminines, ont été retrouvés sur le téléphone de l’accusé.
« Je reconnais les faits, » a indiqué lundi matin à la barre l’homme de 63 ans, une déclaration de culpabilité déjà énoncée au cours de l’instruction. Aux enquêteurs, il avait expliqué ces actes par un « mauvais penchant, un penchant vicieux au niveau sexuel. »
Une plainte ignorée dix ans plus tôt
Le président de la cour a rappelé à l’entame du procès, lundi matin, qu’Alexandre Isson avait déclaré avoir « des pulsions qui (le) poussent à faire des choses qu’(il) réprouve, » avouant avoir pris ces clichés pour le « plaisir de revoir ces photos. »
L’ouverture de la procédure judiciaire en 2020 a fait le lien avec une précédente plainte déposée dix ans plus tôt contre le médecin. Une jeune patiente avait dénoncé avoir surpris le généraliste en train de photographier ses parties génitales. Face à ses contestations, l’accusé aurait alors jeté la carte mémoire de son appareil photo aux toilettes en tirant la chasse d’eau. En 2010, cette plainte avait été classée sans suite.
Analysant le répertoire de la patientèle du généraliste, les enquêteurs ont, à compter de 2020, recueilli les témoignages de viols et d’agressions de plusieurs autres femmes.
Une enquêtrice a rappelé lundi à la cour avoir été marquée par la ressemblance de toutes les victimes : même corpulence mince, de type méditerranéen, des femmes entre 20 et 25 ans ayant de longs cheveux bruns ou châtains.
Toutes ont témoigné de gestes similaires, du malaise qu’elles avaient ressenti alors que leur médecin généraliste leur prodiguait de longs massages du bas-ventre, collant son bassin à leur corps nu. Cinq patientes se sont constituées partie civile.
Alexandre Isson, qui encourt jusqu’à 20 ans de prison, sera interrogé mardi. Le procès doit s’achever mercredi.
Avec AFP
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