Idée n° 1 pour retrouver du temps médical : le management

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Face à une carence de formations pour apprendre à gérer une équipe et donc gagner du temps médical, les meilleures solutions restent le recrutement et l’écoute active.

Idée n° 1 pour retrouver du temps médical : le management

Lors des études de médecine, un domaine reste peu investi : le management. « Globalement, on va vous apprendre à gérer un patient mais pas à gérer votre pratique en cabinet, que ce soit la comptabilité ou le management », souligne Philippe Vermesch, président du Syndicat des médecins libéraux (SML) et stomatologue libéral. Cette absence de formation dans la gestion d'équipe peut occasionner des discriminations, des violences, voire des burn-out. 

Selon le ministre de la Santé, François Braun, 10 % des étudiantes et étudiants abandonnent leurs études à cause notamment des maltraitances en stage. Une pratique qui peut se retrouver aussi bien à l'hôpital que dans certains cabinets de ville. « Dès que les internes quittent l'hôpital public, il leur est parfois compliqué d’apprendre à gérer le quotidien, à cause justement du manque de formation lors des études », continue Philippe Vermesch.

Apprendre à déléguer

Alors que faire pour manager au mieux son équipe, éviter un important turn-over et ainsi optimiser son organisation de travail ? « Dans un cabinet, toute l’idée est de réduire les tâches annexes qui peuvent avoir un côté irritant, souligne Aude Selly, coach et praticienne en neurosciences. On va donc être attentif aux personnes avec qui on travaille, sans pour autant s’oublier. » Judith Loeb Mansour, médecin généraliste, conseille quant à elle d'embaucher une personne pour s’occuper des tâches annexes, comme la facturation, la gestion des rendez-vous ou l’accueil en cabinet. « J’ai une assistante médicale, à qui j’ai appris à bien adresser les urgences au téléphone, et une personne qui gère mon secrétariat en externe. Cela me permet d’avoir du temps médical en plus, donc d’augmenter ma patientèle et ma file active. »

Du côté d’Ipso Santé, le constat est le même. Pour gagner du temps médical et mettre en place un management bienveillant, il est nécessaire d’apprendre à déléguer. « Nous avons plusieurs cabinets à Paris, souligne Marie Benque, généraliste et médecin associée à Ipso. Dans chacun d’entre eux, en plus de la dizaine de médecins et des assistants médicaux, nous avons embauché un coordinateur. C’est lui qui va gérer les plannings de toute l’équipe, s’assurer de la rémunération, etc. C’est une sorte de vigie du cabinet pour être sûr que tout fonctionne parfaitement. À cela s'ajoutent des personnes qui vont travailler pour tous nos cabinets, comme notre responsable administrative et financière. »

Avoir une communication fluide

Pour donner envie à celles et ceux qui travaillent à Ipso de rester, les médecins associés ont également mis en place des temps de parole, pour discuter des patients mais aussi avancer sur certains problèmes. « Toute l’idée à Ipso c’est de chercher ensemble des solutions à des erreurs plutôt que de désigner des coupables, continue Marie Benque. Nous n’avons pas eu de formation à la gestion d’équipe ; donc en plus de celle-ci, nous avons mis en place un système de compagnonnage. Les médecins les plus anciens vont former et suivre les plus jeunes pour nous permettre d’avancer ensemble. »

Cette communication fluide et bienveillante va permettre de faire remonter les irritants du quotidien et d’éviter que des personnes partent. « Le dialogue est comme le système sanguin d’une équipe », lâche Laetitia Laude, professeure et chercheuse en organisations de santé. Mettre en place des temps de paroles, des suivis psy et une gestion horizontale permettent, in fine, de gagner du temps. « Garder des liens avec des personnes qui comprennent ce que l’on vit est essentiel pour éviter l’isolement », reconnaît Aude Selly. 

Apprendre à gérer un désaccord

De fait, dans un cabinet médical où recruter est de plus en plus compliqué, gagner du temps passe donc aussi par donner envie à son équipe de rester. « La hiérarchie est importante parce qu'elle permet de mener le groupe, souligne Clara Rousselin, spécialisée en innovation managériale à Sqorus. Pour autant, il ne lui est plus possible de rester sourde et d'imposer des choses sans prise en compte des demandes des personnes concernées. Le management n'est pas là pour dévaloriser ou éduquer une personne mais pour l’accompagner à participer aux décisions, et développer ainsi un sentiment d’appartenance. »

Pour tenter d’apporter une solution, en 2015 Laetitia Laude a mis en place un diplôme d’établissement (DE) de médecin manager. Aujourd’hui, il comprend 4 formations, dont une à destination des libéraux. « L’écoute active va permettre de mieux appréhender le stress et de ne pas se laisser déborder par l’émotion. C’est tout un travail sur soi à faire car les conditions de vie professionnelle constituent un point essentiel pour garder son équipe. Par exemple, apprendre qu’un désaccord n’est pas forcément un conflit est une première étape. Après, il convient d’apprendre à éviter de vivre personnellement un désaccord et de créer des tensions au sein de l’équipe. »

Pour une gestion optimale, le dernier point à ne pas négliger est l’équipement du cabinet. De l’ergonomie des sièges à la qualité de la connexion internet, le bien-être au travail passe par un aménagement des locaux. En moyenne, nos compatriotes perdraient 120 heures par an à cause de la lenteur de leurs ordinateurs. Ainsi, sur internet aussi, il est important de rendre la communication plus fluide. 

Quid du partage de tâches

Dans le système de santé français, certains médecins éprouvent des difficultés à déléguer et à partager les tâches. En cause : une organisation pyramidale et des études de médecine très compétitives. « Dans le diplôme d’établissement (DE) de médecin manager que nous avons mis en place, la première chose qu’on leur apprend c’est de travailler ensemble sur des projets communs », souligne Laëtitia Laude, professeure et chercheuse en organisations de santé. Une évolution nécessaire qui permet de gagner du temps et d’éviter l’épuisement professionnel. D’autant plus que le monde de la santé déplore ce manque de partage des tâches et souhaiterait prendre part plus activement à la prise en charge des patients. 

Pour aller plus loin :

Voir WUD 54 (septembre 2021) sur le soin en partage.

 

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