Guyane : l’appel du Dr Kallel

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Hatem Kallel est réanimateur au Centre hospitalier de Cayenne en Guyane. Convaincu que la pratique médicale là-bas est un chantier en plein essor, il souhaite lancer un appel aux médecins qui, comme lui, désirent apporter leurs compétences à la région.

Guyane : l’appel du Dr Kallel

What's up Doc. Depuis combien de temps exercez-vous en Guyane ?

Hatem Kallel. Cela fait 10 ans que je suis médecin réanimateur au Centre hospitalier de Cayenne (CHC). Je suis venu ici par curiosité, mais également pour avoir une approche de la médecine tropicale. Finalement, je me suis rendu compte que l’exercice en Guyane est le même qu’ailleurs, avec quelques pathologies et approches parfois différentes.
 

WUD. Quelles sont les caractéristiques de la population soignée ici ?

H. K. La population est jeune et multiculturelle. C’est ce qui fait la particularité de la Guyane. En plus, il y a une importante prévalence des maladies cardiovasculaires dans certaines sous populations. Il a été démontré que les personnes d’origine africaine étaient plus exposées à l’hypertension artérielle (1). En outre, l’observance  et l’assiduité des contrôles médicaux peuvent être défaillants. Il y a beaucoup de personnes hypertendues sans le savoir ou qui ne prennent pas leurs traitements malgré un diagnostic posé. C’est donc lors de complications que nous les prenons en charge à l’hôpital.


WUD. Qu’est-ce qui fait la particularité de l’exercice médical en Guyane ?

H. K. Le paradoxe en Guyane, c’est qu’on y pratique à la fois une médecine moderne et une ancienne. Le plateau technique est incomplet. De ce fait, dans certaines situations de soins, les pratiques sont celles d’il y a 20 ans.
Nous soignons des infarctus du myocarde à la phase aigüe avec des thrombolyses comme cela se faisait il y a deux décennies. Nous sommes contents que nous ayons pu poser récemment 5 stents à l’hôpital de Cayenne. C’est un début, mais les procédures sont programmées et l’angioplastie n’est pas encore réalisée en situation d’urgence. Les équipements sont disponibles et les cardiologues interventionnels sont vivement attendus pour participer à ce projet ambitieux.
 

WUD. Que faudrait-il pour accélérer la pratique médicale en Guyane ?

H. K. L’État, les instances et les sociétés savantes ont rédigé des référentiels décrivant à quoi devraient ressembler les services hospitaliers. Il faudrait qu’ils soient appliqués en Guyane et que l’écart avec les structures métropolitaines soit réduit au maximum. Pour cela, il y a un projet de restructuration du plateau médicotechnique qui sera mis en place à moyen terme.
En plus, En Guyane, il y a un turn-over important de soignants (médicaux et paramédicaux). En général, les médecins viennent pour 1 ou 2 ans. Pourtant, il y a beaucoup de projets à construire et à finaliser. Ceux qui restent sont les Guyanais. Pour ma part, je me considère guyanais, et je considère que le CHAR m’est essentiel, ainsi qu’à ma famille.
 

WUD. Qu’est-ce qui vous a donné envie de rester ?

H. K. Demandez-moi plutôt ce qui m’a empêché de partir... D’une part, je suis guyanais et j’aime la Guyane. D’autre part, c’est le sentiment d’inachevé. J’ai l’intime conviction qu’il y a quelque chose que je dois apporter ici, que je dois finir. Je partirai peut être quand j’aurai la conscience tranquille d’avoir accompli ma mission.
 

WUD. Quels types de médecins aimeriez-vous voir venir en Guyane ?

H. K. Il y a plusieurs profils de médecins que j’aimerais voir venir exercer en Guyane, car même dans les plus grands CHU on trouve plusieurs profils. En plus, en Guyane, c’est la diversité qui fait la richesse. Je voudrais voir plus de médecins guyanais ou formés en Guyane. Ce sont de très bons professionnels. Des médecins avec des projets ambitieux, animés par le challenge, le défi et le désir de faire évoluer l’offre de soins dans leurs spécialités.  Nous en avons grandement besoin...
   
(1) Cane F. et al. Hypertension artérielle chez les patients d’ascendance africaine. Rev Med Suisse 2017; volume 13. 1576-1579.

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