Djihad nauseam

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Ciné week-end: Le ciel attendra, de M.-C. Mention-Schaar (sortie le 5 octobre 2016)

Djihad nauseam

En suivant la trajectoire opposée de deux adolescentes - l'une sur la voie de la radicalisation islamiste, l'autre contrainte par la justice à suivre un processus de déradicalisation -, la réalisatrice du remarqué "Les Héritiers" creuse le sillon d'un cinéma humaniste et citoyen, mais avec un propos et une mise en scène beaucoup plus sombres et anxiogènes...

Sonia, enfant d'un couple mixte sans histoires, est arrêtée un matin pour complicité présumée de préparation d'attentat terroriste. La juge la soumet à un contrôle judiciaire strict mais l'autorise à continuer à vivre chez ses parents, qui découvrent avec effarement le degré d'emprise du processus dans lequel elle s'est enfermée. Mélanie, elle, vient de perdre sa grand-mère. Ouverte aux autres et sensible à la détresse du monde, elle fait la connaissance sur les réseaux sociaux d'un jeune musulman qui semble présenter les mêmes souffrances et les mêmes aspirations qu'elle...

"Le Ciel Attendra" constitue un long cri de douleur et d'effroi au milieu de l'immense désert que constitue la complexité du monde. Transpercé de scènes-choc éprouvantes, il s'apparente le reste du temps à une mélopée anxiogène et désespérément vide de couleurs, comme pour mieux symboliser l'enfermement que ces jeunes filles subissent et choisissent à la fois. La narration est parfois hésitante, du fait de ces longs moments où la caméra hésite, divague, comme sonnée par ce qu'elle vient de montrer. Cela ne nuit cependant pas à l'effet coup de poing que constitue le visionnage de ce film âpre et gris.

Il ne nous revient pas de juger de l'importance réelle du processus décrit, les experts s'étant déjà emparés du film. Nous nous contenterons de remarquer la proximité clinique entre les processus de radicalisation et l'installation d'une maladie comme l'anorexie, notamment dans sa dimension délirante. Et de constater à quel point la voix claire, tout autant ferme qu'empathique, de Dounia Bouzar constitue, de par sa dimension thérapeutique, la seule lueur d'espoir du film.

Quant aux jeunes actrices, on reste stupéfait par l'évolution symétrique de leur jeu, tant la violence brute de Sonia et la douceur altruiste de Mélanie semblent inatteignables au début. Toutes deux réussissent à rendre crédible leur transformation et concrète la profondeur du phénomène sectaire qu' elles subissent. Mention spéciale également à Clotilde Courau qui, dans son rôle de mater dolorosa défigurée et désincarnée par le départ de sa fille en Syrie, retranscrit de façon juste et humble l'impact déflagrateur de cette triste actualité sur des vies humaines. Il nous semble au final que Marie-Castille Mention-Schaar n'a rien voulu montrer d'autre que cela. Et cela nous suffit.

Source:

Guillaume de la Chapelle

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