Démission collective : se barrer oui, mais en groupe

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Les urgentistes à bout de nerfs

Démission collective : se barrer oui, mais en groupe

De plus en plus de médecins choisissent de démissionner collectivement pour protester contre leurs conditions de travail. Dans ce domaine, les urgentistes font figure d’exemple.

Mi-janvier, onze des 28 urgentistes du centre hospitalier Victor-Jousselin de Dreux, en Eure-et-Loir, ont menacé de démissionner pour dénoncer leurs conditions de travail. Leur décision sera effective à partir du 1er octobre 2017. Voilà qui rappelle des épisodes récents : Avignon (2016), Alençon (2016), Roubaix (2013), Thonon (2012)... La démission collective est-elle devenue l’arme ultime des médecins ?

« A l’hôpital, il faut être imaginatif en termes de mode d’action », explique Christophe Prudhomme, urgentiste, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), et membre de la CGT. « La grève, par exemple, n’est pas un moyen efficace : nous continuons à assurer le service public tout en communiquant autour du mouvement. »

Un ras-le-bol généralisé

Plus médiatique, la démission collective permettrait donc de se faire davantage entendre.« La menace de démission collective est un phénomène nouveau exprimant un ras-le-bol face à la dégradation des conditions de travail », décrypte Christophe Prudhomme. « Nous sommes le miroir grossissant de tous les dysfonctionnements du système de santé. »

Mais il ne faut pas croire que face à la dégradation des conditions de travail, les urgentistes sont seuls au monde. « Je passe du temps à alerter les pouvoirs publics, tout comme le président de la CME et l’ensemble des professionnels de l’hôpital », déplore Carole Festa, directrice de l’hôpital de Dreux. « Lorsque j’appelle les tutelles, les télévisions ne se déplacent pas. »

Un décret pas appliqué

Celle-ci dit comprendre la démarche des urgentistes, mais elle doute de son efficacité. « Menacer de démissionner collectivement n’envoie pas un message rassurant aux autres médecins », note-t-elle. « Cela ne favorise pas la politique de recrutement que nous essayons de mettre en place dans l’établissement. » La directrice reconnaît néanmoins que c’est un bon moyen de braquer les projecteurs sur l’altération du système de santé.

Au-delà de ces problématiques d’ordre général, l’exaspération des urgentistes est d’après Christophe Prudhomme notamment due au non-respect de leur temps de travail. « En 2014, nous avons signé un accord avec la ministre actuelle sur l’application de la directive européenne sur le temps de travail », rappelle-t-il. « Nous demandons à ne pas travailler plus de 48 heures et le cas échéant à être payés en heures supplémentaires comme la loi le stipule. » Problème : d’après lui seulement un tiers des hôpitaux appliqueraient aujourd’hui le protocole.

« La prochaine étape : on casse tout. »

Carole Festa ne nie pas l’ampleur du problème. « L’application de cette circulaire génère un besoin de recrutement très important, or pour la région Centre-val de Loire il y a déjà 80 postes d’urgentistes vacants », explique-t-elle. « Il faut faire preuve de prudence dans l’application de cette mesure en s’accordant entre régions afin d’éviter de créer de la concurrence entre les établissements publics. »

La directrice confirme que les 48 heures seront à terme mises en place et que les heures supplémentaires seront mieux payées. Mais cela ne risque pas de convaincre Christophe Prudhomme, qui est sur une position assez maximaliste. « Trois mesures doivent être prises dans l’immédiat : supprimer le numerus clausus, former davantage de généralistes et réguler leur installation sur le territoire », préconise l’urgentiste. Et sinon quoi ? « La prochaine étape : on casse tout. »

 

Source:

Im`ene Hamchiche

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