De jeunes psys disent non à la contention !!

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Aussi étonnant cela puisse-t-il paraitre, aucune étude d’ampleur n’a eu comme objet la contention. Sinon celle de la fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale (Ferrepsy) dont les résultats ont été publiés en décembre dernier, et ont fait l’objet d’une journée dédiée au sujet en janvier dernier à Toulouse. À l’origine de ce projet, trois jeunes psys, qui ont bien l’intention de bousculer les habitudes et de proposer des alternatives à la contention. Wud en a discuté avec le Dr Raphael Carré, l’un des auteurs de cette étude, aux côtés des docteurs Samuel Porteau et Adeline Clenet. 

De jeunes psys disent non à la contention !!

What's up Doc. Y a-t-il eu des études quantitatives sur la contention ? 

Dr Raphael Carré. Pour ce qui est de l’épidémiologie de la contention, il n’y a aucune étude faite sur la question. Il n’y a pas de données quantitatives sur la contention. La seule étude quantitative a été faite par le centre hospitalier Sainte-Anne (Paris) mais ne prend en compte que les urgences hospitalières. C’est dans ce sens que l’on peut dire qu’aucune étude n’a été faite sur l’épidémiologie de la contention. 

Wud. Pourquoi aussi peu d’intérêt ? 

Dr R. C. Dans les autres pays occidentaux, il y a pas mal de travaux de recherche qui ont été faits sur la contention. Et dans les grandes revues de littérature internationale, de nombreux pays sont représentés, mais la France est la grande absente, que ce soit pour la contention ou la chambre d’isolement. Cela démontre que c’était jusqu’à présent un sujet assez tabou. On n’en parlait pas, il y avait très peu de recherche dessus, dans les services on n’en parlait très peu. Ça a commencé à changer dans les années 2013 ou 2014 lors de la publication du rapport du député Robiliard sur la santé mentale. Et puis il y a eu les rapports annuels du contrôleur des libertés. A l’époque Delarue a alerté sur les conditions de la contention et de la chambre d’isolement, des préconisations reprises par Adeline Hazan qui a publié un rapport thématique sur la chambre d’isolement et les lieux de contention. Cela a contribué à lever les tabous. Il y a maintenant des recommandations HAS, une législation. Adeline Hazan, dans son rapport, alerte sur une recrudescence de la contention mécanique aujourd’hui. Sauf qu’il s’agit d’un point de vue très subjectif, parce que nous n’avons pas de données pour nous comparer aux autres pays. C’est pour cela que nous avons eu l’idée de lancer cette étude pour mesurer l’incidence de la contention dans 11 établissements de santé mentale. 

Wud. Quelle sont les caractéristiques des patients qui ont subi la contention ? 

Dr R. C. Nos remarques corroborent les études internationales. Ce sont plutôt des hommes, jeunes. Si l’on regarde de plus près les études, il n’est pourtant pas prouvé que les hommes sont plus violents que les femmes en psychiatrie. En revanche, il y a des études qui montrent que les réponses des personnels soignants ne sont pas les mêmes, selon que l’on a affaire à des hommes ou des femmes. Pour les femmes, on utilisera plus volontiers des sédatifs, et des contraintes physiques pour des hommes. 

Wud. Quels sont les motifs de la contention ?

Dr R. C. C’est complexe. Nous avons présenté trois études, une étude quantitative et deux études qualitatives. 

Wud. J’évoquais les résultats de l’étude quantitative…

Dr R. C. La plupart des temps, les soignants ajoutent comme motif "agitation" qui est une cause très générale. Donc il est difficile d’objectiver ce pourquoi on contentionne des patients. Avec notre étude, il est difficile d’interpréter les motifs. Mais dans les études qualitatives, on peut ajouter des éléments de contexte sur la situation qui a amené à la contention. 

Il n’est pas prouvé que les hommes sont plus violents que les femmes en psychiatrie

Wud. Et selon les résultats de l’étude qualitative ? 

Dr R. C. Pour les patients cela se déroule au moment où il y a un rapport de force avec le soignant. De manière caricaturale, ce peut être lors de la prise du traitement. Le patient refuse le traitement et un rapport de force s’institue. Il y a une escalade qui amène à la mise sous contention. La contention rentre dans un rapport de domination. Le moindre choix est brimé par l’équipe de soins. 

Wud. Et côté soignants ? 

Dr R. C. Pour le soignant, cela dépend du patient : est-ce un homme ? Une femme ? Le connait-on ? Son gabarit ? Il y aussi des éléments environnementaux, l’architecture du service, le nombre de personnes dans le service, et il faut aussi prendre en compte les interactions entre les soignants et les patients. Ce qui ressort, dans la décision de recourir à la contention, ce n’est pas tant la question de la violence que celle de la rupture de contact. 

Wud. Vous concluez votre étude en affirmant qu’il faut mettre en place des stratégies alternatives à la contention. Quelles sont ses alternatives ? Dr R. C. Nous avons réfléchi à une formation qui prendrait en charge la question de la clinique de la violence dans l’institution. Nous voulons former des équipes sur le terrain pour éviter des montées de tension chez les patients. Quand on en est à faire de la contention, il est trop tard. Il faut étudier comment faire en amont dès l’accueil du patient, avec des préventions personnalisées. 

Vous pouvez télécharger la présentation du rapport ci-dessous : 

vnd.openxmlformats-officedocument.presentationml.presentation journee_contention.pptx
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