Covid-19 : des libéraux tout terrain

Article Article

Durant la crise, les professionnels libéraux étaient sur le front. Derrière l’hospitalo-centrisme français, ce rôle de premier plan a pourtant souvent été relégué au second. Un retour d’expérience qui amène à la réflexion.

Covid-19 : des libéraux tout terrain

Comment la répartition des tâches s’est-elle organisée pendant la crise sanitaire ? Au travers du retour d’expérience de professionnels libéraux, le colloque annuel de l’Université du Changement en Médecine s’est attaché à répondre à cette question d’actualité. « Dans toute cette terrible histoire, on a vu un terrain qui s’est auto-organisé dans le silence des organisations », a commenté, ce vendredi 2 juillet, Dominique Maigne, co-président de l’UC2m, pour amorcer cette réflexion.

Un constat d’autonomie qui s’accorde avec les directives hospitalo-centrées dénoncées par Jacques Battistoni, président de MG France. « La crise du Covid a été exemplaire de ce qu’est le fonctionnement actuel du système de santé, assure le généraliste. C’est un système largement centré sur l’hôpital avec des prises de décision descendantes ». Pour preuve, il s’appuie sur l’exemple. « À notre grande surprise à la mi-mars 2020, il a été dit à la population d’appeler le 15 s’ils tombaient malades », se remémore Jacques Battistoni.

Une « captation de la demande de soin » selon lui qui s’est soldée par la « disparition des patients ». « C’est quelque chose que nous n’avions jamais vécu », confie le Président de MG France. Un couac renforcé par la sensation de « travailler à l’aveuglette ». « Pour savoir si un patient avec le Covid, il devait aller à l’hôpital. Nous devions nous contenter d’un usage des probabilités », déplore Jacques Battistoni qui constate que la situation a depuis évolué. « Nous avons entendu des choses que nous n’entendons plus maintenant. Par exemple que les vaccins ARN-Messager ne pouvaient pas être utilisés dans nos cabinets… », se souvient le généraliste.

De cette crise d’autonomie, les infirmiers libéraux ont pour autant su tirer leur épingle du jeu. « Avant, nous étions toujours à demander la permission de pouvoir faire. La crise nous a permis d’agir de manière indépendante car les ordres ne venaient plus d’en haut », confie Dominique Jakovenko, président d’AILBA (Association des Infirmiers Libéraux du Bassin Alésien).

Un grand chamboule-tout qui s’est notamment observé sur le terrain. « Après concertation avec le médecin généraliste, les infirmiers étaient un peu les seuls à y aller », confie le professionnel qui salue le travail collaboratif qui s’est mis en place notamment au travers des CPTS. « Il y avait beaucoup d’interrogations sur les structures. C’était encore un gros mot il y a un an et demi. La crise du Covid les a implantées et elles seront incontournables », indique-t-il. 

Une expérience de crise qui lui permet d’affirmer avec force la pertinence de plusieurs expérimentations actuellement menées sur le territoire national. « Actuellement, il y a trois expérimentations qui sont importantes à soutenir », assure-t-il avant de les énumérer.

  • « D’abord la coopération ASALEE », débute-t-il, sans rappeler que cette expérimentation lancée en 2004 dans le département des Deux-Sèvres associait généralistes et infirmiers afin d’améliorer la coopération entre professionnels de santé sur les soins de premiers recours.
  • « Ensuite, je fais partie de l’initiative Équilibre, qui répond de l’article 51 », poursuit-il. Cette initiative, qui a pour objectif d’ « améliorer conjointement la situation des parties prenantes », donne à l’infirmier libéral la possibilité de délivrer des soins à sa patientèle avec une plus grande autonomie.
  • « Et pour terminer, je dirais qu’il y a l’infirmier de pratique avancée », conclut-il. Notamment pensée pour réduire la charge de travail des médecins, cette mesure permet aux personnels infirmiers de compléter leur formation afin d’exercer des missions jusque-là réservées aux médecins.

« C’est un travail collaboratif et c’est le patient qui est gagnant. Si on veut être efficient, on doit aller là-dedans », conclut Dominique Jakovenko.

Durant la crise, Étienne Pot a lui aussi été témoin de l’implication des professionnels libéraux. «  Nos collègues médecins libéraux étaient les premiers à venir nous aider dans nos établissements. La réalité est que les libéraux étaient là. Ils ne gagnaient pas de sous, mais ils étaient là », confie ce médecin de santé publique parisien.

Un constat qui le pousse à remettre en question l’organisation du sytème de santé français. « Les médecins hospitaliers ont l’impression d’avoir géré la crise, mais ils n’ont pas conscience de ce qu’ont fait les libéraux. Alors est-ce que l’hôpital doit être au centre de tout ? ». Une question ouverte qui appelle à une réponse urgente.

Les gros dossiers

+ De gros dossiers