Au Pérou, l’urgence vaccinale

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Une vaccination encore très limitée, un personnel épuisé, un manque d’oxygène… Au Pérou, la Covid éprouve malades et soignants. Entretien avec le Dr Diana Galindo, référente médicale MSF.

Au Pérou, l’urgence vaccinale

Une bonne capacité pour vacciner. Mais pas de vaccins. Au Pérou, la situation sanitaire ne s’améliore pas et les ressources s’amenuisent. « Cela fait à peu près un mois qu’on a atteint le plateau épidémique, nous recensons beaucoup de contaminations et de décès. Le 19 avril a marqué un record avec 433 personnes décédées en 24h », explique Diana Galindo.  

Autre phénomène, un rajeunissement des hospitalisés. « La 2ème vague frappe des patients plus jeunes. Ils tombent malades et se dégradent sans avoir de facteurs de risque à part un peu de surpoids. Ils finissent en soins intensifs. Nous avons également beaucoup de femmes enceintes et en pot-partum en ce moment, nous sommes inquiets ». Dans un des hôpitaux, situé à 3h de Lima, 160 lits Covid supplémentaires ont été ouverts et le taux d’occupation est à 100% en permanence, depuis un mois. 

© MSF 

Comme souvent malheureusement, plus les patients affluent, moins la prise en charge est aisée pour les équipes sur place, débordées par une épidémie qui s’emballe. Et le résultat se compte en nombre de morts. « Il y a deux parcours pour les gens : ceux qui décèdent à l’hôpital en attendant un lit pour avoir de l’oxygène et ceux qui meurent dès qu’ils arrivent, car après avoir reçu leur diagnostic ils ont eu peur de venir à l’hôpital donc sont restés chez eux et arrivent trop tard », déplore Diana Galindo.

Le Pérou prêt à vacciner, mais sans vaccin

Concernant la circulation des variants, le Pérou a du mal à mettre en place un séquençage du virus. « On a des pistes de temps en temps, on sait que le variant brésilien est dans le pays mais on attend de voir pour les autres, le variant indien semble aussi plus meutrier, c’est inquiétant dans la situation actuelle ».

Surtout que la vaccination piétine. Dans ce pays de 33 millions d’habitants, on en est encore à la première phase qui vise à couvrir les plus de 80 ans et les professionnels de santé. « Le but est d’atteindre 700 000 vaccinés dans les prochaines semaines. Il n’y pas de vaccins disponibles. Des doses sont envoyées par l’OMS qui fait des négociations avec les pays qui ont des vaccins à revendre. On en reçoit mais au goutte à goutte, nous n’avons pas assez de visibilité pour établir une véritable stratégie », s’inquiète la médecin.

Une situation d’autant plus frustrante et éprouvante pour le personnel que le Pérou dispose d’une bonne capacité logistique pour vacciner. « Les soins sont décentralisés, on a un centre ou poste de santé, avec un frigo pour  stocker les vaccins, même dans les zones rurales. Mais pas de doses, et ce serait la seule issue. Ici on fait attention, il y a un bon respect de la distanciation sociale, mais il n’est pas possible de se confiner, les gens ont besoin de sortir pour travailler». La vaccination, seule espoir tangible, serait donc facile à mettre en place efficacement. S’il y avait des vaccins, on en revient toujours là.

Des semaines de 90h 

Alors en attendant de prévenir, on guérit. Comme on peut. MSF a ouvert un centre d’oxygénothérapie avec 50 lits. C’est en direct de ce dernier que Diana Galindo nous raconte son quotidien. « La moitié des lits est réservée aux patients qui ont besoin d’oxygénothérapie. L’autre moitié, sert à l’isolement préventif, pour ceux qui ne peuvent pas s’isoler chez eux, car ils vivent dans conditions précaires ; à la surveillance des patients à risque ou au sevrage d’oxygène ».

© MSF 

Cela fait un mois que Diana Galindo est arrivée au Pérou dans le cadre de cette mission Covid. Et depuis un mois, elle est témoin de l’épuisement du personnel sur place. Des semaines de 90h où il faut être partout à la fois, et des issues souvent tragiques pour les patients en réanimation. « On essaie de leur donner des jours off et de les amener au centre d’oxygénothérapie, pour voir les patients qui s’en sortent », ajoute-t-elle.

Car derrière le patient, il y a une histoire. Comme cette femme, aide-soignante d’une vingatine d’années. « Elle vient d’accoucher, il y a 10 jours, elle a désaturé, a dû être admise en soins intensifs. Ils ont dû l’intuber. Elle est technicienne elle comprend ce que ça signifie et elle a demandé à notre infirmière « s’il te plait, prends soin de moi », raconte Diana Galindo, la gorge nouée par l’émotion. Elle est encore intubée depuis une semaine. Le bébé est à la maison avec le père. Elle ne peut pas recevoir de visite, elle est seule. On tient beaucoup à cette dame, on croise les doigts pour elle ».

Avant de conclure, face à l’urgence de la situation : « le ministère de la Santé a fait des efforts extraordinaires, ils ont ouvert autant de lits que possible. Mais là ce n’est physiquement plus possible, nous faisons ce que nous pouvons mais il faut mettre en lumière les besoins de pays ».

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