Anne Gervais : "Nous ne sommes pas des ados capricieux qui veulent la dernière IRM pour faire joli"

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Le Dr Anne Gervais, membre du collectif inter hôpitaux, en compagnie du Dr François Salachas, ont pu échanger la semaine dernière avec le président Emmanuel Macron sur l'avenir de l'hôpital. Elle nous donne son point de vue sur cet entretien, ainsi que sur le lancement du "Ségur de la Santé" par le ministre de la Santé Olivier Véran. 

Anne Gervais : "Nous ne sommes pas des ados capricieux qui veulent la dernière IRM pour faire joli"

What's up Doc. Comment avez-vous réagi à l'annonce du Ségur de la Santé ? 

Dr Anne Gervais. On veut y croire ! C’est vrai que nous avons été échaudés jusqu’à présent car il s’agit du 3e ou 4e plan, mais nous avons eu l’impression lorsque, François Salachas et moi-même, avons discuté avec le président, qu’il était très décidé. Peut-être parce que l’on sort du Covid, cela en fait un moment important pour lui, et un moment fondamental pour l’hôpital, donc il ne faut pas se louper. Nous pensons qu’il va donner des réponses en ce qui concerne les rémunérations. Mais tout n’a pas été discuté notamment au sujet de la hausse des effectifs que nous réclamons. Nous ne demandons pas non plus de refaire l’hôpital de 1958, ce n’est pas la demande du CIH ! Nous voulons construire un hôpital basé sur la santé publique, et il faut que les moyens soient adaptés aux besoins de santé publique, cela demande des investissements, des moyens et une gouvernance partagée, de l’ARS ou du ministère vers le terrain, mais à partir des besoins de terrain, en prenant également en compte les besoins des usagers. La gouvernance est le deuxième point important pour nous après les rémunérations, car c’est comme cela que nous allons reconstruire l’hôpital ensuite. 

WUD. Christophe Prudhomme a dénoncé un « Travailler plus pour gagner plus » dans les premières annonces d’Olivier Véran au sujet du « Ségur de la santé ». Qu’en pensez-vous ? 

Dr A. G. J’ai essayé de me renseigner directement, il m’a été dit qu’il s’agissait de deux choses différentes : l’augmentation des salaires d’une part, et l’assouplissement du régime des heures supplémentaires d’autre part. À La Pitié Salpêtrière des infirmières ont affirmé lors de la visite du président qu’elles souhaitaient travailler plus. Je ne suis pas complètement innocente, il faudra voir ce que cela recouvre. Nous au CIH, nous disons qu’il faut que la rémunération du métier soit convenable. Selon l’OCDE, les infirmières françaises perçoivent 0,9 fois le salaire moyen des Français. En Belgique par exemple, les infirmières perçoivent 1,1 fois le salaire moyen des Belges. 

WUD. Avez-vous évoqué la revalorisation de la rémunération des praticiens hospitaliers ? 

Dr A. G. Nous avons évoqué la revalorisation des personnels hospitaliers, ce qui est extrêmement vague. La position du président est de dire qu’à compétence égale, il faut que tous les personnels hospitaliers soient au moins dans la moyenne de l’OCDE. Si les médecins hospitaliers sont en-dessous de la moyenne de l’OCDE, il faudra les amener à la moyenne mais nous n’avons pas évoqué de manière spécifique le cas des médecins hospitaliers. 

WUD. Avez-vous aussi évoqué les questions d’organisation hospitalière ? 

Dr A. G. Oui, nous lui avons rappelé les quatre revendications du CIH. Avant la crise, nous avions quatre revendications : gouvernance, Ondam, rémunération, effectif. Après la crise, nous lui avons demandé de faire des annonces sur les rémunérations, et il nous a promis que ça allait se faire très vite. Mais le deuxième point qui nous importe est la gouvernance, car la gouvernance guide tout le reste de l’organisation du travail. Si l’on travaille avec les équipes, on prendra en compte ce que les équipes ont à dire, et donc on prendra en compte la question des lits et des effectifs. 

WUD. Vous l’avez senti à l’écoute ? 

Dr A. G. Oui, tout de même. Nous lui avons dit qu’écouter le terrain, ce n’est pas forcément dépenser plus d’argent. Pendant la crise du Covid, on nous a écouté et l’on n’a pas non plus fait n’importe quoi. Cette période était forcément difficile, mais aussi fabuleuse. À Bichat, j’ai pu travailler normalement. Le président nous a dit qu’ils ont regardé ce qui avait été dépensé pendant ce mois, et il n’y a pas eu de dépenses déraisonnables. Ils se sont bien rendus compte que nous ne sommes pas des ados capricieux qui veulent la dernière IRM juste pour faire joli dans le salon. 

WUD. Le professeur Agnès Hartemann, l’un des porte-paroles du CIH, a dénoncé récemment dans une vidéo le retour des anciens réflexes gestionnaires, qu’en pensez-vous ?

Dr A. G. Oui, les décisions s’éloignent de nouveau du terrain, nous ne rencontrons plus la bienveillance que nous avons connue pendant l’épidémie de Covid, nous retrouvons des comportements à l’ancienne. 

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