Les infirmières racontent : « On voit tous les jours des agressions du personnel, des violences verbales, physiques parfois »

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"Notre cœur de métier, c'est aider l'autre, alors pourquoi ?" : au salon professionnel de la santé SantExpo à Paris, une cadre d'hôpital résume l'incompréhension des soignants face à l'agressivité et la violence sur les lieux de soin, au lendemain du meurtre d'une infirmière au CHU de Reims

Les infirmières racontent : « On voit tous les jours des agressions du personnel, des violences verbales, physiques parfois »

© IStock

"On voit tous les jours des agressions du personnel, des violences verbales, physiques parfois", déclare mardi Catherine Tissot, responsable de la gestion du personnel soignant à l'hôpital de Belfort-Montbéliard.

"Parfois, il suffit de parvenir à échanger un peu" pour désamorcer l'affrontement et surmonter "les incompréhensions", ajoute-t-elle. Mais "il n'y a plus de respect du personnel de soin, de l'institution".

"Depuis cinq à dix ans, il y a une escalade : les gens sont plus exigeants, moins tolérants, ils veulent tout tout de suite" et parfois vont jusqu'à "l'agressivité et la violence", renchérit Patrick Leblanc, infirmier et cadre de santé à l'hôpital de Compiègne-Noyon (Oise).

"Il y a un mois, une famille s'en est pris verbalement à une infirmière parce qu'elle ne répondait pas assez vite à une sonnette. C'est allé jusqu'au rapprochement physique, l'infirmière s'est réfugiée" dans la salle des soignants pour se protéger, raconte-t-il. "Nous sommes en première ligne dans le rapport avec l'autre".

"La plupart du temps, nous recevons des remerciements, mais parfois nous recevons la souffrance et l'agressivité", en particulier de la part des proches, souvent plus problématiques que les patients eux-mêmes.

Les services de psychiatrie et ceux des urgences sont les lieux les plus à risque pour les agressions, selon les soignants interrogés sur le salon.

Mais aujourd'hui, même des services plus en retrait du soin direct, comme les laboratoires d'analyse ou l'imagerie ne sont pas à l'abri, souligne Catherine Tissot, pour qui "tout contact patient est à risque".

« Déjà que c’est compliqué de recruter des infirmières… »

"Les familles ont peur pour leurs proches", relève un autre cadre hospitalier, qui préfère garder l'anonymat. "La presse parle souvent du manque de médecins à l’hôpital public, on entend dire que les chirurgiens de qualité ne se trouvent que dans les établissements privés... Les gens ont peur d'emmener un proche à l'hôpital", ajoute-t-il.

La montée de l'agressivité inquiète les hôpitaux car c'est un facteur supplémentaire qui incite les soignants à quitter ces établissements.

"Déjà que c'est compliqué de recruter des infirmières...", soupire Valérie Berson, directrice des soins à l'hôpital de Bligny, à Briis-sous-Forges (Essonne). Les agressions "alourdissent encore le sentiment d'épuisement de la profession".

L'Ordre des médecins a publié mardi 23 mai, comme prévu de longue date, son Observatoire annuel de la sécurité des médecins, basé sur les signalements d'agression effectués par les praticiens, libéraux ou hospitaliers.

Ces signalements ont augmenté de 23% en 2022, à 1 244, un record depuis la création de l'Observatoire en 2003, et qui confirme la tendance à la hausse --ou une volonté accrue de signaler les incidents--, malgré un fléchissement temporaire en 2020 et 2021.

"Ce n'est que la face émergée de l'iceberg", puisque des incidents ne sont pas signalés, prévient le docteur Jean-Jacques Avrane, chargé de l'Observatoire au Conseil de l'Ordre. Pour lui, "il y a une violence générale dans la société à laquelle on ne peut pas échapper".

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/retour-sur-20-ans-de-violences-contre-les-soignants-lhopital

Selon les derniers chiffres rendus disponibles par le ministère de la Santé, 29 214 personnes ont été victimes d'une agression (verbale ou physique) en 2021 en établissement de santé, dont 10 577 étaient des infirmières.

Avec AFP

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