Violences conjugales : vers la fin du secret médical ?

Article Article

Un article de la proposition de loi sur les violences conjugales divise, jusque dans les rangs des médecins.

Violences conjugales : vers la fin du secret médical ?

L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, le 29 janvier, une proposition de loi dite de “protection des victimes de violences conjugales”. Parmi les articles débattus, l’un a été proposé par le gouvernement : la levée du secret médical sans accord explicite de la patiente. Une mesure jugée “contre-productive” par une partie des médecins, comme par le Collège de médecine générale.

Dans l'hémicycle, les débats ont été vifs. L’amendement du gouvernement n’a pas été accueilli avec enthousiasme par l’opposition, qui dénonce un article dangereux pour le secret médical comme pour les victimes.« Si nous commençons à établir une liste des circonstances dans lesquelles le secret médical pourrait être levé, même avec la meilleure des intentions possibles, aujourd’hui les violences conjugales, jusqu’où irons-nous ? », souligne Maud Petit, députée MoDem du Val-de-Marne.
 
« Ces femmes sont déjà sous l’emprise d’un mari violent et [...] leur avenir ne peut pas être entre les mains d’un médecin qui déciderait autoritairement de procéder à un signalement », continue Hervé Saulignac, député PS d’Ardèche. Ce qui doit nous intéresser, c’est le résultat de ce signalement. »

Pas une obligation mais une possibilité

Du côté du gouvernement, la secrétaire d’État chargée de l’égalité femme-homme, Marlène Schiappa a défendu l’amendement en soulignant qu’il ne s’agissait pas d’une obligation mais d’une possibilité. « Ce dispositif ne crée pas d’obligation, il ouvre de nouvelles possibilités. Faisons confiance aux médecins pour exercer leur libre arbitre ».
 
Sauf que, la loi permet déjà de faire un signalement, c’est l’article 226-14 du code pénal. Seule différence, ce signalement ne peut se faire sans l’accord de la patiente. Avec l’article 8 de cette proposition de loi, la levée du secret médical sera possible pour un.e professionnel.le de santé « lorsqu'il lui apparaît » que des violences au sein d'un couple « mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci se trouve sous l'emprise de leur auteur ».
 
Une mesure soutenue en décembre dernier, par l'Ordre des médecins mais rejetée par le Collège de médecine générale (CMG). Sans nier le fait que la médecine générale est la « principale porte d'entrée des victimes vers une prise en charge », le CMG avait jugé, dans une lettre ouverte, que la levée du secret médical sans l'accord de la patiente serait « contre-productive ».

Absence de solution de mise à l’abri

Pour le médecin généraliste et professeur Gilles Lazimi, ce dispositif pourrait éloigner les femmes victimes de violences conjugales des cabinets médicaux. « C’est un texte d’affichage, dangereux et qui va fragiliser la confiance que les patientes peuvent avoir en leurs médecins, lâche Gilles Lazimi. De plus, on nous dit que l’on va pouvoir signaler sans l’avis de la patiente, mais qu’il faut la prévenir après. On va lui dire quoi ? ».
 
Il reproche à ce texte l’absence de solution de mise à l’abri des victimes tout en demandant au médecin de « juger ». « C’est une atteinte majeure aux droits des patientes et au rôle du médecin. Notre rôle est de soigner, pas de nous substituer à la justice. » Le texte doit maintenant être débattu au Sénat avant de revenir à l’Assemblée nationale pour une seconde lecture.
 

Les gros dossiers

+ De gros dossiers