Travail d'équipe en libéral, la réalité

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Pour faire le point, nous avons posé la question au préz’ de la Conférence nationale des CME de l'Hospitalisation privée, le Dr Jean-Luc Baron* : l'exercice libéral, plutôt traversée en solitaire ou natation synchronisée ?

Travail d'équipe en libéral, la réalité

Article proposé avec le soutien de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP)

 

WUD Le travail en équipe entre spécialistes d’une même discipline ou en réunion de comité pluridisciplinaire (RCP), c’est le pain quotidien du public. Est-ce différent dans le privé?

JLB Non. Il faut comprendre que le travail en équipe fait partie intégrante de notre métier. Coordonner des soins, référer un patient, déléguer des tâches, animer une équipe, travailler en réseaux… c’est notre boulot. Public ou privé, ça ne change rien.

 

WUD D’où vient alors cette idée, souvent colportée, qu’il serait plus délicat de réaliser un travail en équipe dans le privé?

JLB Dans le fond, les médecins du privé n’ont pas plus de réticence à collaborer que ceux du public. Bien sûr, il y a parfois des personnalités individualistes, mais le public aussi connaît ses fortes têtes. Le vrai point de clivage qui nourrit cette illusion d’un travail privé plus singulier vient de la forme de notre rémunération. Les médecins privés vivent des actes et rien n’est prévu pour valoriser le temps médical plus «logisitique» (RCP, staffs…).

Nécessairement, cela influence les pratiques ; sans, pour autant, nuire à l’exercice.

 

WUD Alors justement, Dr Baron, le privé ne pourrait-il pas encourager ce développement ?

JLB Si ! Certaines cliniques commencent à indemniser la participation au travail d’équipe, comme pour les RCP. Cette pratique reste encore hétérogène et mérite d’être évaluée. Et depuis que les CME se sont vus confier des missions pour assurer la gestion des risques et la sécurité des patients, le travail collectif s’est renforcé dans le privé avec plus de coordination entre les équipes médicales et les directions. C’est d’ailleurs un point fort qui nous différencie du public. Nos établissements et notre culture professionnelle reposent sur un management basé sur le respect mutuel et la confiance accordée aux médecins. Il y a moins de clivage entre direction et personnel médical, un moteur puissant pour avancer.

 

WUD D’accord, mais quand même, travailler en équipe entre médecins de même spé serait moins aisé, concurrence oblige, non ? Idée courante… idée reçue ?

JLB En grande partie, oui, c’est une idée reçue! Les demandes des patients contribuent à une communication entre confrères. La prise en charge médicale est de moins en moins l’affaire d’un seul thérapeute. Les cliniques ont bien intégré cette évolution et participent à cette médecine d’hyperspécialisation. Les offres «d’hypercompétences» réduisent les tensions concurrentielles entre nous et permettent d’aménager un travail d’équipe où chacun est valorisé. Le défi actuel est de préparer au mieux cette hyperspécialisation, sans hâte pour répondre aux besoins de santé et construire une offre médicale cohérente et réaliste.

 

WUD Oui, mais est-ce vraiment de l’intérêt du privé que de favoriser la prise en charge de patients complexes, avec des thérapeutiques innovantes souvent peu valorisées et très coûteuses?

JLB Bonne question. Pour moi il ne s’agit pas d’un problème économique mais d’un choix politique. L’attribution des budgets concernant la recherche et l’innovation met le privé hors-jeu… ce qui ne signifie pas, pour autant, que la médecine libérale s’en désintéresse. Au contraire ! Je vous rappelle qu’une avancée thérapeutique majeure telle que la cœlioscopie est née… dans le privé !

 

WUD Les rapports entre professionnels du privé sont-ils aussi complexes qu’à l’hôpital?

JLB Non. Ils ne sont pas de même nature. L’exercice libéral implique une absence de subordination qui simplifie les rapports entre collègues. Tout le monde a intérêt à faire consensus pour la bonne marche de l’établissement, ce qui, parfois, est perdu de vue dans des services hospitaliers publics aux prises avec des conflits interpersonnels ou institutionnels. Et puis les rapports entre médecins et infirmier(ère)s sont plus directs, car plus fréquents… quand, dans le public, l’élément-lien le plus présent et souvent, malheureusement le plus laissé pour compte, c’est l’interne comme vous le savez bien.

 

WUD Dr Baron, un message-clé pour conclure ?

JLB Oui, je veux rappeler que ces dernières années ont vu naître nombre d’outils, développés par l’HAS, visant à favoriser le travail en équipe et en lesquels nous avons confiance. Le très prometteur Medical Team Training, par exemple, conçu et utilisé pour améliorer la coordination au sein des blocs opératoires, est en cours d’évaluation en prévision d’un usage courant. Et c’est à nous, médecins, de nous saisir de ces nouvelles technologies, de les évaluer, de les améliorer et de nous en servir pour construire les équipes médicales telles qu’elles doivent être ; telles que, vous, dans le futur, vous les imaginez. 

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