
© Midjourney x What's up Doc
Les arrêts cardiaques « statistiquement impossibles »
En avril 2009, en l’espace de quinze jours, deux patients du Dr Pignard présentent un arrêt cardiaque brutal au moment même de l’induction anesthésique. « C’est rarissime », explique-t-il à la barre, rappelant que dans la littérature médicale, le risque est évalué à un ou deux cas sur un million d’anesthésies. « Deux fois en quinze jours, c’est statistiquement impossible », souligne-t-il comme reprise dans Ici Besançon.
Lui, le référent en anesthésie de la clinique, tente de sauver ses patients avant tout. « Un massage cardiaque, c’est une guerre qui dure trente minutes », décrit-il, la voix brisée, les yeux embués. Trois patients ont pu être réanimés. Mais dès le deuxième cas, il avoue avoir eu « l’impression d’avoir une cible dans le dos ».
La malveillance confirmée
Au troisième événement, en juin 2009, l’analyse d’une poche de perfusion révèle un taux de potassium dix fois trop élevé. Le Dr Pignard provoque une réunion avec le médecin légiste et le Pr Chopard, du CHU. Tous évoquent alors un précédent décès inexpliqué. La malveillance devient évidente. Pourtant, malgré ses signalements à l’Agence Régionale d’Hospitalisation et au parquet, il faudra attendre 2017 pour que l’enquête aboutisse à la mise en examen du Dr Frédéric Péchier.
« Qu’est-ce que je pouvais faire de plus, moi, petit anesthésiste dans une petite clinique ? Tout le monde était au courant, jusqu’au procureur, et personne n’a tilté », lance-t-il devant la cour, comme relaté par L’Est Républicain. Et de conclure, la gorge serrée : « Si j’avais été plus écouté, plus entendu, ça aurait pu s’arrêter plus tôt ».
La douleur des victimes et le poids du silence
Dans la salle, l’émotion est partagée. Sandra Simard, victime d’un empoisonnement en janvier 2017, se lève en larmes et quitte la salle. Son cas fait partie des 25 empoisonnements présumés qui auraient pu être évités si les alertes de 2009 avaient été entendues.
L’avocate générale, Christine de Curraize, rend hommage au courage du médecin : « Vous avez été le seul à envisager la malveillance. Tout le monde sait aujourd’hui l’importance que ça a eu ».
Le poids de la vérité
La partie civile, par la voix de Me Giuranna, appuie là où ça fait mal : « Vous aviez tout. On avait le mode opératoire, et on avait le nom ». « Vous remuez le couteau dans la plaie », répond le Dr Pignard, qui concède cependant qu’en 2009, « à aucun moment je ne pouvais imaginer que c’était un confrère ».
À la fin de son témoignage, il résume son attente : « La vérité ». Mais à la question posée par l’avocate générale – « Pensez-vous que nous aurons des réponses du Dr Péchier ? » – il avoue ne guère y croire.