Affaire Péchier : retour sur le procès hors-norme de l’anesthésiste

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En 15 semaines d'audience, le procès de Frédéric Péchier, accusé de trente empoisonnements de patients dont 12 mortels, a alterné témoignages déchirants de victimes et échanges tendus avec un accusé décrit tantôt comme un tueur en série dénué d'empathie, tantôt comme un « homme détruit ». 30 ans de prison ont été requis contre lui.

Affaire Péchier : retour sur le procès hors-norme de l’anesthésiste

© Midjourney X What's up Doc

Voici quelques moments forts de plus de trois mois de débats devant la cour d'assises du Doubs, où l'ancien anesthésiste de 53 ans, qui se dit victime d'un acharnement judiciaire, n'a cessé de clamer son innocence.

Pendant huit ans d'enquête, Frédéric Péchier a contesté jusqu'à la réalité d'actes malveillants, sauf celui concernant son patient. Rebondissement le 29 septembre : se disant finalement convaincu par les expertises, il admet que la première victime qui lui est imputée, Damien Iehlen, a bien succombé à un empoisonnement en 2008. Depuis, la défense en a reconnu 12 — dont 5 mortels — et tenté de détourner les soupçons sur un autre anesthésiste, Sylvain Serri, un de ses anciens amis.

« Personne ne m'a vu »

Sous le feu nourri de l'accusation qui veut le pousser aux aveux, l'anesthésiste s'embrouille parfois, fatigue et paraît sur le point de trébucher. « Personne ne m'a vu faire », lâche-t-il le 22 septembre concernant la pollution de poches de perfusion en 2017, une petite phrase dont l'ambivalence a fait couler beaucoup d'encre.

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Un « lapsus d'aveu » veut croire l'un des avocats des parties civiles, Stéphane Giuranna, mais Frédéric Péchier continue de nier et de reprocher à ses détracteurs l'absence de preuves. C'est « faux », lui réplique le 11 décembre l'avocate générale Thérèse Brunisso dans son réquisitoire. « Nous avons tout un faisceau d'éléments qui conduisent » à l'accusé et « uniquement » à lui, souligne-t-elle.

Enfance brisée

« J'ai peur que ces traces d'empoisonnement me suivent toute ma vie » : le 24 novembre, la lecture par son père d'une lettre de la plus jeune victime imputée à Frédéric Péchier est l'un des moments les plus émouvants du procès. Tedy a 4 ans quand il subit un arrêt cardiaque, rarissime à cet âge, pour une simple opération des amygdales. Aujourd'hui, le collégien « introverti » dit souffrir de séquelles neurologiques et mettre « dix minutes de plus » que ses camarades « pour écrire ».

Corps meurtris

Les témoignages des autres survivants et des proches des personnes décédées ont profondément marqué les esprits, comme celui de Sandra Simard, 44 ans. « Je n'ai rien oublié de ces moments, (...) les hallucinations, la paranoïa, la peur, un sternum fracturé par un massage cardiaque... », a-t-elle raconté, disant vivre aujourd'hui « comme dans le corps d'une vieille personne »

Son arrêt cardiaque inexpliqué en 2017 a éveillé la suspicion de deux anesthésistes qui ont lancé l'alerte et conduit à l'ouverture de l'enquête.

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Nombre de victimes ont déploré la découverte tardive des empoisonnements présumés, qui s'étendent de 2008 à 2017. « J'ai beaucoup de colère en moi. S'ils avaient enquêté plus rapidement, on aurait pu arrêter avant », a accusé mi-octobre Céline Comtois, 42 ans, dont la mère, 8e victime reprochée à Péchier, a succombé.

En achevant vendredi l'évocation des 30 victimes présumées, cette « liste de l'horreur », l'avocate générale Thérèse Brunisso, submergée par l'émotion, n'a pu empêcher sa voix de se briser.

Famille refuge

Cassant et inflexible lors des interrogatoires, l'accusé a versé des larmes le 5 décembre, en évoquant sa tentative de suicide en 2021, quand, ivre, il s'est défenestré alors qu'il vivait chez ses parents. C'était la seule façon « d'oublier et de dormir », a-t-il ajouté, en référence au « mal » qu'il a fait à sa famille. Ces derniers sont venus en bloc le soutenir. « Je sens au fond de mon cœur que mon fils est innocent », a dit sa mère Marie-José Péchier le 1er décembre, le décrivant comme un « homme détruit » à qui il ne reste « que sa famille et l'amour inconditionnel de ses enfants ».

« Si j'avais le moindre doute, il n'approcherait pas mes enfants », a de son côté mis au point son ex-épouse, une brillante cardiologue.

Avec AFP

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